Le SPNE, un objet à refonder ? quel avenir pour la DNE ?

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Faut-il un pilotage spécifique pour les questions du numérique au sein de l’Éducation nationale ? Si la réponse est positive, c’est que l’on en attend un potentiel de transformation important du monde scolaire. Si la réponse est négative, c’est qu’on ne considère l’informatique et le numérique que comme un élément du grand ministère. Le Service Public du Numérique Educatif (SPNE) à été institué en 2013 au sein du Service Public de l’Éducation. La création de la Direction du Numérique pour l’Éducation qui a suivi a montré l’intérêt mais aussi les limites de l’exercice. Le numérique dit éducatif est-il si spécifique qu’il doive être en dehors de la question plus générale de l’école et de son pilotage ? On se rappelle l’époque de la SDTICE (sous direction des TIC éducatives) puis l’émergence à partir de 2012 de ce qui va devenir la Direction du Numérique Educatif avec comme première directrice l’inspectrice Générale de Lettres, Mme Becchetti Bizot(2014). La suite de cette direction et surtout les prises de position et initiatives des ministres dans le domaine ainsi que les nominations qui s’en sont suivies laissent sur notre faim. Après une pédagogue, un informaticien qui a montré l’orientation d’un ministère de l’éducation négligeant la dimension pédagogique alors que la présidence de la République reprenait la main sur le numérique (le plan Hollande). C’est alors qu’une déclaration malencontreuse concernant les GAFAM et leur lien avec l’éducation mettait rapidement fin à ce mandat, alors remplacé par celui qui était alors directeur de CANOPE dont il avait assuré la mutation (CNDP puis CRDP le tout dans une unité nationale). La crise sanitaire a démontré les faiblesses techniques au sein de la DNE. Et dans une sorte d’alternance un informaticien, mais issu de Bercy celui-ci, prenait la direction du Numérique pour l’Éducation. Étant entendu que ce directeur était d’abord un technicien, il allait de soi que son approche de la pédagogie était très limitée, et que c’est l’entourage et les membres de cette direction qui sont censés assurer cette dimension.
Un article récent du journal le Monde confirme une orientation technopolitique de cette direction et s’appuie sur la réponse de l’État à une question d’un député (https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-971QE.htm): « A l’école, l’Éducation nationale tente de limiter l’emprise des Gafam et en particulier Microsoft et Google  » (https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/16/a-l-ecole-l-education-nationale-tente-de-limiter-l-emprise-des-gafam_6150169_4408996.html). Contre cet accord signé jadis entre Microsoft et le ministère, par cette réponse à un député en date du 15 novembre 2022, l’État (DINUM et services du premier ministre) arbitre par dessus la DNE cette question et impose aussi aux collectivités cette approche. Précisons ici que l’argument du « Cloud au Centre » doit être relativisé (ce que l’article du Monde ainsi que la réponse officielle fait). Pour mieux comprendre sur ce fameux SECNUMCLOUD (Prestataires de service d’informatique en nuage – https://www.ssi.gouv.fr/entreprise/qualifications/prestataires-de-services-de-confiance-qualifies/prestataires-de-service-dinformatique-en-nuage-secnumcloud/) ce dont il s’agit, il faut comprendre (dans la dernière partie de la réponse de l’Etat) que l’essentiel est d’adopter des outils, services et dispositifs logiciels »respectant les principes du RGPD et de souveraineté numérique ». Cependant il ne faut pas oublier que cette réponse n’apporte pas une contrainte, au vu de ce qui se passe au quotidien dans les établissements, mais plutôt une « doctrine » (ce terme à la mode dans le discours public) qui appuie une stratégie…
Ainsi le Directeur du Numérique pour l’Éducation, une année et demi après son entrée en fonction annonce-t-il « La DNE, dont la stratégie pour le quinquennat doit être officialisée au premier trimestre de 2023 ». Après un travail mené au début de 2022, puis une fausse annonce au colloque inFine en octobre 2022 à Poitiers, puis une autre annonce pour le salon Educatech en fin novembre voici que l’on parle du premier trimestre 2023 pour le dévoilement de cette stratégie et de la fameuse doctrine issue de cette directive gouvernementale accessible ici : https://www.numerique.gouv.fr/services/cloud/regles-doctrine/ et que l’on peut accompagner d’un autre chantier en cours le fameux « DFSR » (https://www.systeme-de-design.gouv.fr/) qui vise à unifier les interfaces des applications de l’État qui pourrait se décliner au delà. Il s’agit en quelque sorte de « normaliser » d’une part les outils et services et d’autre part d’en améliorer l’accessibilité (au sens large) en vue de faciliter les usages. L’approche est louable, d’autant plus que les acteurs des académies et des établissements scolaires ont souvent déploré cette cacophonie des services et des outils. Cependant, tout ne semble pas aussi simple qu’on le pense au vu des reports successifs des annonces et des documents.
De même, on avait vu apparaître une charte au mois de juillet, on attendait la suite. De même depuis le début 2022 un PIX Edu renommé CRCNE pour l’enseignement scolaire, et on attend le texte final et surtout la mise en application, sachant que l’expérimentation est encore en cours…. On peut constater qu’il y a plusieurs chantiers en cours mais qu’ils sont encore à peaufiner. Du côté des utilisateurs, on attend une parole globale qui se déclinerait ensuite dans les différentes strates de l’éducation. Mais il semble que la place et le rôle des collectivités, dans ce domaine doivent être encore précisés. En effet dans la réponse du ministère à la question du député on a pu constater qu’il faudra encore des arbitrages. On lit le rappel du code de l’éducation libellé ainsi : « l’acquisition et la maintenance des infrastructures et des équipements, dont les matériels informatiques et les logiciels prévus pour leur mise en service, nécessaires à l’enseignement et aux échanges entre les membres de la communauté éducative sont à [leur] charge (articles L. 213-2 et L. 214-6). ». De quels logiciels parle-t-on ? Que signifie nécessaire à l’enseignement et aux échanges entre les membres des communautés ? Alors que les collectivités demandent à l’Éducation Nationale d’améliorer la qualité des échanges et surtout de clarifier les règles des partenariats, force est de constater qu’on en est encore loin… au moins à écouter les témoignages des uns et des autres.
Cette page web (https://eduscol.education.fr/398/protection-des-donnees-pers)onnelles-et-assistance) qui semble être mise à jour en octobre 2022 devrait rendre service à l’ensemble de la communauté éducative. C’est en particulier la question du RGPD qui mériterait d’être à nouveau clarifiée et explicitée. En effet si le document proposé par CANOPE à ce sujet est clair (https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/RGPD/RGPD_WEB.pdf) sa traduction dans le quotidien des enseignants et des établissements semble encore faire défaut (où sont donc les rapports que les DPD académiques et le DPD national devaient rendre chaque année ?). Trop souvent le RGPD se résume à « j’ai le droit d’utiliser tel ou tel logiciel en classe ». Certes, c’est un début, mais cela ne suffit pas. Le RGPD c’est aussi un état d’esprit et le document proposé par CANOPE explore plusieurs de ces aspects qu’on laisse de côté (droits d’image, droits d’effacement des données etc…)
Enfin, il faut évoquer ici TNE (Territoires Numériques Éducatifs) dont la deuxième vague est en cours de mise en place dans 10 départements. S’agit-il d’un énième démonstrateur ou d’une politique globale ou simplement un coup d’essai d’une politique plus territoriale du numérique en direction de l’enseignement ? Une chose est certaine, ce projet met en évidence la difficulté systémique d’introduire le numérique éducatif dans l’enseignement. La multiplication des acteurs/décideurs (État, académies, collectivités locales, opérateurs de l’état, associations, edtech) et l’articulation entre eux tous risque de donner le tournis aux établissements impliqués : de simples récepteurs de matériels à expérimentateurs innovants, où vont-ils pouvoir se situer.

Pour terminer cette revue, y a-t-il réellement une possibilité de piloter le numérique éducatif ? A faire un retour sur les années 1970 et d’examiner ce qui s’est passé depuis. Vincent Peillon déclarait en 2013 : « L’École doit devenir actrice de la société numérique : il ne faut plus attendre. Nous n’avons plus de temps à perdre. Nous avons déjà perdu trop de temps. ». IL ajoute un peu plus loin : « Ce nest pas le nombre de plans en faveur du numérique qui nous a manqué. Depuis 1970, on ne dénombre pas moins de quinze plans en faveur du numérique… dont 5 depuis les années 2000. ». Regardons ce qui s’est passé au cours des dix dernières années : Vincent Peillon n’a pas été prophète…(https://www.vie-publique.fr/discours/186697-declaration-de-m-vincent-peillon-ministre-de-leducation-nationale-su). La Direction du Numérique pour l’Éducation qui a été mise en place suite à cette impulsion ministérielle se trouve aujourd’hui face à des choix. Il semble bien qu’à lire et constater les actions en cours, que, pour l’instant, la « reprise en main » du pilotage national soit au coeur du projet politique autour du numérique. Pour agir, il faut avoir des tableaux de bords, des indicateurs, des outils de structuration… même s’il semble que cela soit très tardif, il faut reconnaître que le travail est en cours. Portera-t-il ses fruits ? On pourra s’intéresser aux différents chantiers pour en juger, CRCN et CRCNE inclus… de même pour les nouvelles missions de CANOPE face aux Écoles Académiques de Formation Continue et aux Inspe et autre e-Inspe….

A suivre et à débattre

BD

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