Comment j'apprends ?

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Au moment où on entend parler de plus en plus des moocs et autres classes inversées, il est toujours intéressant de revenir à des fondamentaux ! Or dans notre domaine de spécialité, ce qui est fondamental c’est le sujet qui apprend (cf la vidéo de cloture du mooc itypa2 dans l’échange que j’ai eu avec Marcel Lebrun). Les méthodes d’enseignement sont-elles capables de transformer les formes de l’apprentissage des sujets ? Les sujets doivent-ils s’adapter aux formes d’enseignement qui leur sont proposées ?  La mesure des taux d’échecs ou d’abandon face aux différents systèmes, méthodes, types d’enseignement, nous renseigne au moins sur un point, bien connu depuis longtemps : il ne suffit pas d’enseigner pour que quelqu’un apprenne !!! En rappelant cela je souhaite inviter à beaucoup de retenue et de modestie tous les promoteurs des derniers trucs à la mode qui font du bruit dans le landerneau du web… Ils ont tendance à confondre les dispositifs dont on parle avec le résultat de ces dispositifs. Certains commentateurs vont même au pari de Pascal en pensant que puisque tout le monde en parle, c’est surement que c’est bien, que c’est vrai !!!
Pour revenir aux fondamentaux, regardons simplement comment chacun de nous apprend. Et en particulier comment chacun de nous apprend dans son contexte de vie quotidienne hors système formel d’enseignement. Si nous passons entre 11 et 20 années à apprendre sur les bancs du système académique, nous en passons pas loin de 40 dans la vie « active » (terme abusif toutefois, toute la vie est active…) et encore quelques autres dans des contextes là encore variés et variables. C’est en comparant à près de quarante années de différences l’attitude de personnes âgées que m’est apparu l’importance de ce questionnement. Il y a quarante ans je faisais un travail de recherche sur les personnes âgées et leur socialisation et avais été aussi bien visiter l’université du 3è âge (eh oui cela existait en 1975 !) que passer un après-midi dans un foyer de rencontre des personnes âgées d’un petit village. Quarante années plus tard, je me suis retrouvé presque dans la même situation et ai pu faire la même observation : l’important c’est celui qui apprend et pour apprendre il lui faut trouver un contexte adapté à son mode d’apprentissage et à son désire d’apprendre.
Mais le problème initial est que l’école a tout déformé ou formaté. En effet en imposant une forme scolaire dès le plus jeune âge, nos sociétés ont fait entrer comme norme une représentation de ce qu’est enseigner et apprendre. Or cette norme est comme bien d’autres limitée (cf les 140 à 160 000 élèves qui sortent sans diplômes). Elle est même source d’inégalités institutionnalisées. Mais le poids de cette norme est tel qu’il fait apparaître comme innovation le fait de proposer, à l’intérieur de cette forme, quelques modifications plus ou moins spectaculaire (cf les conférences TED). Parfois certains se hasardent à sortir du système pour nous apprendre qu’on peut aussi apprendre en dehors d’un système scolaire formel, mais ils sont bien vite mis de côté (cf Khan vs S.Mitra, ou rappelons un certain Célestin Freinet qui a du s’éloigner su système formel). De plus les spécialistes de l’analyse de l’activité et du travail (Pierre Pastré, Gérard Vergnaud, Yves Clot) nous ont montré que toutes ces années passées dans « l’activité » sont bien des années pendant lesquelles on apprend et parfois de manière plus opérationnelle.
La question qui se pose à chacun de nous est donc de comprendre comment on apprend soi même. Cela permet ensuite de choisir les meilleurs parcours possibles pour parvenir à progresser. Mais le défaut de nos sociétés est que ce qui est le plus difficile n’est pas d’apprendre, mais de construire un parcours d’apprentissage efficace. Autrement dit le plus difficile c’est l’autodirection et l’autorégulation et cela, quelque soit le système d’enseignement (Laurent Cosnefroy). Mais les raisons de l’échec sont en partie liées au fait que l’autorégulation et l’autodirection ne sont pas acceptables dans le système et donc amènent le plus souvent à des formes d’exclusion du système (certains, comme H Gardner, ont évoqué la question des intelligences multiples, bien que contestée, pour attirer l’attention sur ce point).
Dans un contexte numérique qui ouvre des accès à des ressources quasiment infinies, les systèmes formels sont désarmés et mis en concurrence. Mais ils sont d’abord en concurrence pour ceux et celles qui savent se piloter. Ce sont eux en premier qui, réussissant dans le système formel, savent aussi réussir en dehors. Autrement dit la compétences d’ingénierie éducative est essentielle pour l’apprendre, et c’est déjà cela qui fait la différence entre les élèves, les étudiants. La question des EPA (Environnements Personnels d’Apprentissage) n’a de sens que s’il y a apprentissage et donc pas seulement environnement (synchronique) mais aussi dynamique (diachrnonique). Face à mon écran, j’ouvre un regard possible sur des possibles. Mais encore faut-il que je m’organise, mentalement, cognitivement, matériellement pour mettre à profit ces possibles. Si je suis hétéro-dépendant, alors il y a de bonnes chances que je puisse trouver dans des dispositifs encadrés les moyens de satisfaire mon désir d’apprendre. Si je suis autonome, alors je vais pouvoir m’organiser et organiser mon environnement. Dans le premier cas, je me soumets à une autorité externe à laquelle je délègue mon parcours d’apprenant, dans le second cas je dirige mon parcours. On le voit la seconde solution est beaucoup plus inconfortable et difficile, mais laisse une marge importante de liberté et de développement.
Entre les deux extrêmes que je viens d’évoquer, il y a les propositions types MOOCs ou Classes inversées qui fleurissent. Ces deux propositions ont l’intérêt de nous montrer combien nous sommes dépendants de l’offre, du cadre externe, tout en nous laissant la possibilité d’abandonner, ou simplement de « picroer ». Or c’est là que surgit la difficulté : pourquoi autant de gens abandonnent ? On se retrouve alors devant le problème traditionnel de la forme scolaire et de sa difficulté à être un modèle universel. Mais en fait, ce qui se passe est plus subtil. Chacun de nous apprend, plus ou moins, consciemment ou pas, et chacun de nous tente de se frayer un chemin face à son environnement quotidien de travail en développant, si nécessaire, les apprendre utiles. Quand un étudiant va voir sur internet si ce que dit l’enseignant devant lui est pertinent, il ne fait rien d’autre que de s’engager dans ce type de démarche. Or c’est la meilleure chose qui puisse arriver à un étudiant, qu’il ait envie de se passer, voire de dépasser celui qui enseigne. Cela prouve, au moins en partie, qu’apprendre est plus important qu’enseigner. Au moment où le numérique à portée de la main est une réalité du quotidien, laissons de coté les querelles commerciales et formelles, intéressons nous plutôt à la capacité, à la capabilité (la possibilité effective qu’un individu a de choisir diverses combinaisons de fonctionnements1, autrement dit une évaluation de la liberté dont il jouit effectivement – wikipédia, sous réserve), de chacun de nous. Et là il y a du chemin à faire pour que notre société soit capable de construire un nouveau modèle qui permette cela.
A suivre et à débattre
BD

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