Questionner un film : Les Grands Esprits d'Olivier Ayache-Vidal

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Il ne m’a pas enthousiasmé, ce film sur l’enseignement scolaire. Trop de scènes convenues, trop de clichés, trop de clins d’œil à l’émotion facile du spectateur. De l’engueulade entre le héros, prof de prépa qui va une seule année faire son enseignement en classe de collège à Stains, et un jeune enseignant de math excédé au bout de cinq années d’enseignement, à l’amitié entre le héros et un de ses élèves et un peu plus envers une collègue.
Alors j’ai essayé de trouver dans ce film « matière à penser ». Car si le film est bien classique (on repensera à Coluche dans le maître d’école) il prend une couleur différente si on l’analyse au prisme des « évaluations ». Au pluriel et non pas au singulier, car ce film est une succession de moments d’évaluation, un peu comme la vie nous en propose constamment.
En premier, évaluation des élèves qui dans le film passe des notes distribuées avec mépris aux élèves de prépas comme, d’abord, aux élèves de collège, jusqu’aux trop bonnes notes que l’on reproche au héros de donner aux élèves, alors qu’ailleurs ils n’ont que des notes très basses. Pierre Merle trouvera là une belle illustration de sa thèse sur l’humiliation des élèves. On verra aussi l’importance symbolique de la note attribuée dans la construction symbolique et imaginaire de l’autorité de l’enseignant.
Ensuite évaluation dans la conduite des relations humaines. On commence par jauger l’autre à l’aune de son propre prisme. Puis on modifie progressivement cette première évaluation, dans le film cela va de l’amour/amitié à l’opposition rude et violente. C’est aussi l’évolution de l’évaluation qu’un enseignant fait de ses élèves quand il commence à devenir « habituel » avec eux. D’une première impression (négatif) à un construit (positif ?), le passage est difficile, parfois impossible comme en témoignent plusieurs de ces jeunes profs en premier poste en zone REP+. C’est aussi l’évaluation que les jeunes font des adultes qui les entourent. Quand le héros organise un goûter en classe en fin de trimestre et que le principal rentre dans la classe, amenant immédiatement le silence, les élèves se lèvent à son entrée (au garde à vous ?).
On trouve aussi bien d’autres moments d’évaluation. Citons ici le rapport au droit à propos d’un conseil de discipline à la décisions cassée pour « vice de forme ». L’évaluation de l’élève diverge alors et le héros va chercher dans les textes officiel une manière de casser l’évaluation du Conseil de discipline. La scène du conseil de discipline ressemble d’ailleurs à celle faite dans un documentaire télévisé réalisé il y a plusieurs années dans un lycée professionnel de la région de Beauvais.
Enfin on trouve dans les critiques faites de ce film une évaluation : de la part des critiques sur le film mais de notre part sur la connaissance réelle qu’ont les critiques du monde scolaire et de ses méandres. On est étonné de cette méconnaissance assez large des critiques qui oublient d’évaluer la présence lourde de nombreux clichés de nombre de scènes. On est étonné de ce que des critiques peuvent dire sur un film (cf. les travaux de Laurent Juillier). Ce qui nous amène à rappeler que l’explicitation des clefs de lecture est un moyen de faire comprendre pourquoi une critique est ce qu’elle est. Malheureusement, une dernière évaluation tirée de la lecture des papiers sur ce film et des échanges d’un récent « masque et la plume » sur France Inter, montre que ce qui manque le plus à la critique c’est l’autocritique.
 
A suivre et à débattre
BD
PS – Le réalisateur a pris le parti du visage comme passage de l’extérieur à l’intérieur, c’est intéressant quand des acteurs savent l’exprimer comme Denis Podalydes
PS – Evaluer ce n’est pas contrôler à l’aune d’une norme, c’est exprimer la valeur de pour ensuite l’utiliser de manière pertinente, de même la critique qui est une évaluation ne peut être valide que si elle est explicitée…

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