Je suis un pédagogue, pas un pédagogiste !

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Dans un étonnant article publié par le Figaro en mai 2015 : »http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/05/29/31003-20150529ARTFIG00340-ecole-l-idee-que-le-savoir-n-a-plus-d-importance-est-le-plus-grand-mythe-des-pedagogues.php »
et intitulé « École : « L’idée que le savoir n’a plus d’importance est le plus grand mythe des pédagogues » » l’interview de Daisy Christodoulou soutient que les pédagogues dits progressistes sont à fustiger, mis à l’encan face à la science qui triompherait. De plus, dans le titre comme dans l’article, il est question d’abandon du savoir, de la connaissance et de la mémoire (mémorisation) et le journaliste d’en profiter pour questionner sur « Faut-il adapter l’éducation à l’économie ? » ce qui est une manière d’orienter l’interview au-delà de ce que le prétexte initial de l’article qui se termine d’ailleurs sur un hymne, qui devient quasi systématique même dans la bouche d’un ministre, qui glorifie les recherches scientifiques sur le cerveau.
Plus récemment des médias se déchainent souvent contre les pédagogistes (Challenge, Le Point, Le Figaro, Causeur etc.…) et contre d’autres médias, allant jusqu’à reconnaître que le ministre n’est aussi contre eux que ne le sont certains commentateurs. Peu importe, la cible est désignée, il n’y a plus qu’à tirer. Ce qu’un bon nombre de chroniqueurs (de tous les sujets et du grand n’importe quoi) s’empressent de reprendre faisant ainsi parler deux dérives actuelles du débat : l’idéologisme et le bâchage (bashing pour les anglophones).
Peu importe ces propos qui vont dans le sens d’une nouvelle doxa, une nouvelle pensée unique qui entend remplacer l’autre : les sciences du cerveau contre la pédagogie, et même plus encore sur le « pédagogisme ». Ce qui est étonnant c’est la méconnaissance générale de ce qu’est la pédagogie et de ce que sont les pédagogues. Ce qui est aussi étonnant c’est l’ensemble des approximations énoncées aussi sur les « neurosciences » nouveau fourre-tout argumentatif qui mérite d’être analysé de plus près : demandez à un spécialiste en neuroscience quelles sont ses recherches effectives et vous comprendrez que passer du laboratoire à la généralisation demande autrement plus de modestie que ce que ce que certains tentent de nous faire croire (ministre y compris). C’est surtout méconnaître les recherches effectives et les méthodes les moyens et les techniques de ces recherches que de généraliser aussi vite…
Dans la même dynamique antipédagogiste, on sent qu’en ce début d’année scolaire (un nouveau marronnier) et en lien avec le nouveau ministre, les loups sortent du bois. Impression de déjà entendu (n’est-ce pas Monsieur Meyer). Mais surtout sentiment qu’il y a un domaine dans lequel n’importe qui peut dire n’importe quoi : celui de l’école et de l’enseignement. S’il est nécessaire que tout un chacun puisse s’exprimer sur le sujet qui l’intéresse, cela ne l’autorise pas à asséner des vérités dans un minimum de rigueur argumentative, celle qui dépasse bien sûr les « je connais quelqu’un qui », ou encore les « mes enfants à l’école », ou même encore « moi qui ai une expérience de deux années ». Rappelons ici les étonnantes questions posées par des journalistes à des acteurs, humoristes ou sportifs sur d’autres sujets que leur domaine de spécialité et qui répondaient simplement : « même si j’ai une réflexion sur le sujet, il n’est pas souhaitable que je la donne car je serai bien loin d’être compétent… ».
Pourquoi alors dénigrer la pédagogie (progressiste ou non) ? Parce que certains discours qui se réclament de la pédagogie ont été bien trop vite pour asséner des vérités qu’ils qualifient de scientifique. Parce que la pédagogie est souvent incertaine. Parce que la pédagogie c’est d’abord le quotidien de millions d’enseignants dans le monde qui se trouvent confrontés à la complexité de l’humain et qu’ils peinent à trouver « LA SOLUTION ». Car c’est le rêve des nouveaux scientistes que nous apporter une réponse. Cette réponse est parfois associée à l’information et aux travaux autour de ce que l’on appelle « l’Intelligence Artificielle » dont le contenu mérite autant d’éclaircissements que « les neurosciences ». Question de modes ? Peut-être. Question d’idéologie ? Pourquoi pas. Question de mutation radicale ? C’est possible.
Avec près de quarante années d’expériences professionnelles diverses dans le domaine de l’Education (au sens large, de la naissance à la fin de vie), un bilan d’une trajectoire pilotée aussi bien par les opportunités professionnelles que par des convictions intimes me conforte dans la revendication de l’étiquette de « pédagogue ». Transmettre, partager, donner, c’est le sens de l’action que je mène avec nombre de collègues. Le pédagogue c’est celui qui va mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour « autoriser » l’autre.
D’un côté certains l’accusent de ne pas être assez scientifique, de l’autre certains l’accusent d’employer un vocabulaire incompréhensible. D’autres encore l’accusent du niveau qui baisse, ou encore de l’absence de résultat. On pourrait lister bien plus longuement ces reproches souvent contradictoires. Mais ce que cela révèle c’est une sorte de peur que le pédagogue n’ait vraiment raison sur l’incertitude de l’acte éducatif. Il est vrai que certains de ces travaux sont allés chercher loin dans la conceptualisation, oubliant parfois la nécessaire traduction. En accusant les pédagogues d’avoir perverti les instances nationales et les ministères, ils se trompent. Il suffit de relire l’histoire difficile de tous les pédagogues qui ont eu tantôt à faire avec, tantôt contre les pouvoirs comme Maria Montessori par exemple ou Célestin Freinet par exemple.
Revendiquer l’étiquette de pédagogue est d’abord l’affirmation de la dimension éducative de chaque humain : de sa famille aux élèves ou étudiants ou encore aux autres collègues de travail, le travail pédagogique est une composante de toute vie sociale. Le discours pédagogique tente de donner des outils pour comprendre et faire avancer le vivre en société. S’il est parfois maladroit et imparfait, faire croire à des vérités pédagogiques absolues (antipédagogiques y compris) est un non-sens, voire un mensonge. D’ailleurs les politiques sont suffisamment habiles, le ministre Blanquer y compris, pour ne pas jouer sur cette fibre radicale. La fragilité de toute éducation implique de l’humilité, et cela doit être la première qualité d’un pédagogue et certains en ont manqué mais bien d’autres, parmi ceux que l’on critique le plus en font réellement preuve et depuis longtemps. Pour avoir eu la chance d’en rencontrer plusieurs il est nécessaire de témoigner de cette qualité d’écoute et d’ouverture dont ils font preuve en réalité… bien en dehors des cénacles médiatiques bien sûr…
A suivre et à débattre
BD
PS ce texte est probablement maladroit et incomplet…

1 Commentaire

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  1. Je suis en plein accord avec ce texte, dans lequel je me reconnais avec beaucoup d’autres ! Bravo !!!
    Bruno Robbes, MCF en sciences de l’éducation, université de Cergy-Pontoise, ESPE de Versailles

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