Faut-il interdire le téléphone portable dans les écoles primaires ?

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Les débats sur la nocivité des ondes radio électriques prennent un tour surréaliste. D’une part on entend des plaintes de toutes natures concernant en particulier les antennes et les téléphones portables, d’autre part on s’aperçoit que les mesures proposées par les uns et les autres sont bien loin de répondre à ces plaintes de manière directe.
Soit les plaintes amènes à une surévaluation des dangers au nom du principe de précaution, soit les mesures ne sont pas adaptées aux réalités du risque. Entre les deux on peut lire l’interdiction du téléphone portable dans les écoles primaires. Et pourtant ce sont bien les antennes qui ont été incriminées dans l’affaire de l’école Gerson de Lyon et non pas les téléphones portables des enfants du primaire.
Au delà de ces querelles dont le fondement scientifique semble plus complexe que les discours ne le font apparaître, il y a le problème de l’éducation. L’attitude que chacun d’entre nous, adultes et jeunes, entretient avec le téléphone portable doit nous faire réfléchir. L’obligation faite aux opérateurs de couvrir le territoire rapidement les a amené à choisir des solutions techniques dont la nocivité n’était qu’insuffisamment évaluée mais qui sont dans les normes acceptées par l’Etat. Chacun de nous, qui disposons d’un téléphone portable, tempétons contre la technique dès lors qu’elle ne nous permet plus d’accéder aux autres au travers de notre appareil. Une position paradoxale apparaît alors : donnez vous des techniques performantes, mais protégez nous de ses dangers à condition que nous ne renoncions pas aux « services » proposés.
Encore en amont de l’éducation, il y a les choix de vie, de relation humaine, d’acceptation de l’absence de l’autre, de l’acceptation du silence etc… En effet sans nous en rendre compte (mais en étant consentants) nous nous sommes laissés envahir par des services dont nous sommes convaincus qu’ils sont bons, même si les risques qu’ils font courrir existent. Autrement dit nous sommes passés de l’objet (téléphone portable) à l’usage de l’objet en construisant une nouvelle pratique sociale sans même nous rendre compte des changements qu’elle a induit dans notre quotidien. Ces changements sont bien plus importants que ceux apportés par le simple ordinateur posé sur le bureau, fut-il portable, car ils se sont introduits en passant par nos « poches » et autres « sacs à mains ». Autrement dit c’est au plus intime de nous même (peut-on raisonnablement fouiller un sac à main, fut-il celui d’un conjoint) que se cache cet objet. Et c’est parce qu’il a propulsé « l’autre » dans cette sphère intime de manière potentielle et virtuelle qu’il est devenu presque indispensable à nombre d’entre nous.
Regardons maintenant les jeunes adolescents avec cet objet. Ils ont, bien évidemment, construit des usages bien plus développés que leurs parents, du fait de leur mode de développement identitaire d’une part et du fait de la présence « naturelle » pour eux de cet objet dans leur environnement social. Autrement dit, pour se développer socialement aujourd’hui, le téléphone portable est devenu presque indispensable. On peut même ajouter que pour exister socialement il est devenu presque obligatoire (combien de fois on vous demande votre numéro de portable pour des raisons commerciales simples comme la réservation d’un restaurant). Les jeunes ne se posent déjà plus la question des bienfaits et des risques des téléphones. Ils sont là, c’est le progrès, les adultes, les parents l’ont déjà validés, alors pourquoi nous reprocherait-on l’usage.
Alors les adultes n’ont plus que l’école primaire pour limiter les risques. Au nom d’une certaine vision idéalisée de l’enfant le passage de 12 à 13 ans changerait la nocivité. Ce qui est réellement nocif, au delà des ondes électromagnétique c’est l’absence totale de réflexion sur l’évolution du territoire de socialisation qui s’est reconstruit désormais. Et l’éducation à ce territoire social nouveau va devenir rapidement un problème, déjà évoqué au travers de l’effet de mode « digital natives », mais de manière différente. Interdiction ou pas, le téléphone portable, transformé désormais rapidement en terminal mobile (une sorte de cerveau extérieur consacré à l’information communication par analogie avec Michel Serres),  continue de déplacer, sous nos yeux les frontières de la vie collective sans que nous en prenions la réelle mesure. L’angoisse de séparation n’a plus qu’à bien se tenir…. et les parents aussi : si jamais l’appareil tombe en panne le fameux « t’es où » cher à Maurizio Ferraris va devenir une angoisse existentielle redoutable pour l’avenir de notre vivre ensemble. Mais cela doit être trop loin des questionnements d’un « Grenelle » (quelle vilaine rue !) fut-il écologique, comme si l’écologie ne concernait que les machines et leurs méfaits et non pas les humains et leurs usages… sociaux
A suivre et à débattre
BD

2 Commentaires

2 pings

  1. Le Sénat interdit le téléphone portable à l’école et au collège
    une mesure a été votée sur fond de principe de précaution. Le texte,dit que « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation par un élève d’un téléphone portable est interdite. » C’est l’utilisation qui est interdite, non la possession.

    1. Cette distinction est intéressante, car totalement hypocrite. Relisons ensemble les minutes du débat au Sénat. Possession à l’école, ouverte ou fermer, en lien avec les ondes !!! Ni utilisation, ni possession c’est cela qui est souhaité !!! mais à condition que les parents puissent toujours joindre leurs enfants, s’ils en ont besoin…

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