Quelle dynamique pour les ENT ?

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Puisqu’ils entrent dans le langage quotidien du monde scolaire, alors que les réalités qu’ils recouvrent sont très différentes, il est nécessaire de réfléchir aux ENT, avant que ceux-ci ne nous aient enfermés dans les logiques que ses spécialistes pourraient avoir envie de promouvoir. C’est en particulier la question de la « dynamique » qu’il est nécessaire d’insuffler dans les ENT si l’on veut qu’ils soient autre chose qu’une boite à chaussure d’une pointure trop étroite pour les pieds des éducateurs.
Faisons un peu d’histoire récente… Quand les premiers intranets d’établissements se sont mis en place, le modèle générique a été celui de l’entreprise ou de l’administration, tous deux modèles centralisés de pilotage dont on connait, en management humain au moins, les limites. Identification, interface, outils, services… tout est défini en amont des usagers et surtout tout converge vers un mot mythique : sécurité et contrôle. Ainsi de nombreux enseignants se sont retirés des usages des TIC dans leur établissement au nom de cet encadrement descendant et peu souple. J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de fustiger cette attitude de certains responsables informatiques qui mettaient en place de tels dispositifs qu’il devenait dissuasif de pouvoir utiliser les matériels et logiciels. Ne dit-on pas qu’une école est bien rangée et le reste, quand il n’y a pas d’élèves… ne pourait-on dire qu’un Intranet, voir un ENT ne marche jamais aussi bien que lorsqu’il n’y a pas d’autre utilisateur que ses concepteurs…. ;-))
L’analyse des services de plusieurs « outils » ENT proposés dans différentes académies montre en effet combien sont imbriqués les services proposés et les dynamiques que cela peut contraindre. Et pourtant ce n’est jamais ce deuxième aspect qui est travaillé, car considéré comme déjà géré en amont : la mémoire est courte en ce domaine, comme s’il suffisait de mettre en place l’outil pourqu’il s’en fasse des usages… même avec de la formation.
Le vrai problème des ENT semble bien avoir été ressenti par M De Gaudemar dans son rapport sur la réforme des lycées, bien que partiellement. En effet il a perçu combien cet outil, ou tout du moins ce qu’il représente au moins pour les élèves, pouvait constituer une chance pour accompagner une évolution d’un niveau d’enseignement, ici le lycée. Transposé au cadre plus global de l’établissement scolaire, on s’aperçoit que le développement des ENT ne peut se poser uniquement en terme de cahier de texte ou de notes en ligne ou encore de TBI, comme cela est le cas dans le discours ambiant du moment. Plusieurs interventions dans des établissements très différents permettent d’observer qu’il y a une lente prise de conscience d’un environnement changeant sur le plan informationnel et communicationnel.
La volonté exprimée par certains enseignants d’aller plus loin que le simple espace temps de la classe commence à diffuser. Certes les questions et les réticences sont nombreuses car le changement de métier induit par de tels projets est important et actuellement inacceptable par la majorité. Et pourtant la confrontation aux pratiques des élèves invite évidemment à se questionner sur l’enseignement et son impact réel. A l’opposé l’insistance ministérielle sur la place à donner aux parents exprimée de manière récurrente depuis 2002 amène de sombres nuages sur ces projets. L’idée d’ENT avec en plus son impact centralisateur dont l’idée se trouve renforcée dans un contexte sécuritaire exacerbé (cf les récents projets d’installation de mouchards sur des ordinateurs suspects), reste donc avant tout une idée « d’en haut ». C’est pourquoi le travail à engager se situe sur le terrain quotidien de l’enseignement et surtout sur celui de la relation pédagogique. En quoi une analyse de cette relation, considérée aussi bien dans sa dimension clinique du face à face enseignant élève, que sa dimension sociologique et psychosociologique de la gestion des relations humaines dans l’institution, peut permettre de construire une dynamique collective et partenariale autour des trajectoires d’apprentissage des élèves.
C’est à partir de ce cadre dynamique que vont pouvoir s’insérer les briques nécessaires, issues entre autres des outils et services proposés, qui constituent ce que nous appelons désormais ENT ou plutôt Environnement Numérique Favorable à l’Apprentissage en Milieu Scolaire (ENFAMS). Basées sur l’analyse des flux et sur la possibilité pour chacun de participer activement à ces flux, une approche renouvelée des ENT leur permettra de passer d’une approche statique, des services, des outils, à une approche dynamique : des échanges, des constructions, des appropriations …
A suivre et à débattre
BD

2 Commentaires

    • Serge Pouts-Lajus sur 1 juin 2009 à 09:23
    • Répondre

    Avec l’ENT, on a depuis le début un problème de nom. Environnement ou espace numérique de travail, c’est un nom mal choisi. De quel travail s’agit-il ? Ta proposition de recentrer sur l’idée d’apprentissage est-elle la bonne voie ? Je ne suis pas sûr.
    Au-delà du nom, ce qui compte, c’est la définition : c’est quoi un ENT ? Il faut pouvoir répondre en quelques mots. La définition la meilleure me semble celle-ci : l’ENT c’est l’outil de communication en ligne de l’ensemble de la communauté éducative de l’établissement (élèves, personnels, familles, partenaires).
    La relation pédagogique n’est qu’un volet des échanges permis par l’ENT. Doit-il être placé au centre ? On peut faire ce choix; c’est le plus souvent ce qui se passe avec les projets « d’en bas » lancés spontanément par les équipes dans les établissements.
    On peut aussi ne pas trancher d’avance et laisser toutes les dynamiques locales s’exprimer, celles qui privilégieront l’ENT pédagogique mais aussi celles qui incluront plus largement la communauté éducative sur des questions de gestion, d’animation, d’organisation, d’innovation sociale.
    C’est, me semble-t-il, la pente naturelle des projets portés par les collectivités territoriales.
    Pour juger de la valeur des idées, ce serait un peu simple s’il suffisait de regarder si elles viennent « d’en haut » (pas bonnes) ou « d’en bas » (bonnes)… Non ?

  1. Une contribution au débat dans le dernier paragraphe de l’analyse suivante:
    http://cgteduc93.free.fr/?Les-inspecteurs-transformes-en

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