La culture et l'école, relire…

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Qui a donc écrit ces lignes ?
La sauvegarde de la pureté l’emporte sur le souci de l’échange, L’éducation qui impose un français étalon interdit une initiation culturelle aux différences entre francophones. p.106
Alors qu’une langue naturelle est fondamentalement un code parlé, c’est le code écrit qui règne. p.107
La question de fond est bien le rapport entre le contenu et la relation pédagogique p.109
Il s’agit de savoir si la relation elle-même est productrice de langage ou si elle est le canal par lequel on « fait passer » un savoir établi par les maîtres (…) ou encore s’il y aura une rupture entre le savoir et la relation sociale p.109
L’enseignement vacille entre les deux termes d’une alternative : ou se retrancher sur le savoir (qu’une bonne initiation psychologique permettra de « faire passer ») ou entrer avec les enseignés dans le jeu des rapports de force ou de séduction (dont les discours scientifiques ne sont plus que les métaphores).p.110
Plus le savoir se marginalise, plus les problèmes de la relation envahissent le terrain qu’il occupait. A bien des égards c’est l’indication d’un rôle nouveau de l’école. Mais cette tendance entraîne des effets contraires : un raidissement sur l’objet traditionnel de l’enseignement, ou bien une volonté de résoudre par la seule amélioration des programmes les difficultés créées par un nouveau fonctionnement de l’école dans la société. p.110
L’école ne plus le centre distributeur de l’orthodoxie en matière de pratique sociale.p.111
A l’inverse d’une pensée ou libérale ou utopiste, je crois que si toute révolution produit une mutation de l’école, elle ne saurait être chez nous l’effet de l’action entreprise dans cette institution scolaire depuis toujours arc boutée sur un pouvoir autre que le sien, celui de l’Etat, et désormais décentrée par rapport à l’activité du pays, affaiblie au dedans et éloignée des lieux stratégiques de l’organisation sociale. p.111
chez les enseignants est apparu un sentiment d’insécurité. Il coexiste avec la conscience de l’eur extériorité par rapport aux lieux où la culture se développe : l’usine, les mass media, les techniques, les grandes entreprises…. L’enseignant flotte à la surface de la culture : il se défend d’autant plus qu’il se sait plus fragile. Il se raidit. Il est porté à renforcer la loi sur les frontières d’un emplire dont il n’est plus sûr.p.112
Dans le même temps, au moment où l’école perd ses forces propres, une large opinion réclame d’elle la solution de deux des plus grâves problèmes de la société contemporaine : une redéfinition de la culutre, l’intégration de la jeunesse.p.115
je crois qu’il faut repenser et resituer l’école en fonction des rapports effectifs entre l’offre et la demande. La culture scolaire se présentait autrefois comme désintéressée, mais elle s’appuyait sur un pouvoir solide. L’enseignement au XIXè s’adossait au pouvoir républicain, laïc, etc… Il comportait bien un certain désintéressement, mais seulement dans la mesure où il créait un espace de travail non immédiatement affecté à une profession ou à un pouvoir. Cet espace n’en était pas moins conditionné par l’existence d’un pouvoir destiné à reproduire. p.115
Depuis le XIXè siècle, le corps enseignant a toujours eu besoin de cette double référence : l’une à une idéologie  qui maintienne dans l’enseignement la possibilité d’une mission, d’un évangélisme; l’autre à un force, car l’enseignant n’a pas d’autre pouvoir que celui dont l’affecte l’organisation d’une société. Ce double rôle a été joué successivement par l’Eglise puis l’Etat. Il montre le rapport d’une culture « désintéressée » avec un pouvoir intéressé. p.116
On enseignait le livre qui fait autorité, c’est à dire le produit d’une recherche. la recherche était au départ d’une diffusion. Aujourd’hui ce rapport s’inverse (…) la recherche se trouve estompée. Pourtant, à la base, au niveau des petites unités, il existe un fourmillement de recherches (…) Très dangereux parce qu’il y a une parcellisation d’expériences trop minuscules pour avoir des moyens suffisants. p.117
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L’expérience n’est pas isolable de l’ensemble socio-économique où elle intervient. (…) La ville ou le bourg a été « marqué » par l’implantation d’une école : espace étatique, non conforme à l’environnement, c’est un lieu géométrique  comme la caserne, avec des alles carrées et des corridors rectilignes, projection architecturale de l’enseignement qu’on y donnait. Ce temple de la raison une et centralisée posait sur le village le sceau d’un pouvoir culturel.
Aujourd’hui la situation est différente. Le pouvoir culturel n’est plus localisé dans une école (…) il se « personnalise », il insinue partout ses produits. il se fait intime. Cela change la position de l’école. Hier représentante de l’Etat pédagogue, elle avait pour vis à vis et adversaire la famille qui jouait le rôle d’un contrôle. Chaque soir le retour des enfants chez eux permettait un réajustement familial par rapport à la culture enseignée à l’école. Aujourd’hui l’école se trouve dans une situation presque inversée : par rapport à la famille envahie par l’image télévisée, elle peut devenir le lieu de contrôle où s’apprennent le mode d’emploi d’une information donnée hors de l’école. (…)
Elle (l’école) joue désormais sur deux tableaux : Elle reste une institution d’Etat déléguée par le gouvernement pour diffuser un modèle culturel défini par le centre. D’autre part, elle est dans une position à la fois menacée et critique par rapport à la culture que diffusent les mass média… p.118-119
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Les enseignants ne sont plus au centre de la culture mais sur ses bords.p.119
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  • – L’enseignement français (…) vit dans un monde figé (…) une paralysie une latence culturelle, un passéisme extraordinaire (…)l’uniformisation continue de geler le corps de l’Education nationale. p 119
  • – Pourtant on constate de multiples porosités culturelles, des phénomènes de symbiose avec le milieu.(…) Les frontières du corps s’amollissent et se transforment. on ne sait plus où se tient l’école. De nouvelles unités se forment qu’on en peut plus définir comme « scolaires ». p.120
  • – L’école n’est pas seulement un no man’s land par rapport aux lieux véritables de la culture. C’est aussi un agent de transition, je dirai même de transit.
  • – Enfin le troisième lieu de l’enseignement se situe délibérément hors de l’école.

On assite à une multilocalisation de la culture
p.120 – 121
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Une part considérable de la culture est excommuniée de l’enseignement.p.121
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Pour qu’il y ait véritablement culture, il ne suffit pas d’être auteur de pratiques sociales; il faut que ces pratiques sociales aient signification pour celui qui les effectue. (…) A présent le risque de sens est à découvert, sans la protection d’une idéologie englobante. Du moisn ce risque doit-il être possible ? Or une culture monolithique empêche les activités créatrices de devenir signifiantes. p.122
Certes la culture est plus que jamais entre les mains du pouvoir, le moyen d’installer aujourd’hui comme hier cachée sous un « sens de l’homme », une raison d’Etat. Mais la culture au singulier est devenue une mystification politique. p.120
A l’homogénéisation des structures économiques doit correspondre la diversification des expressions et institutions culturelles. Plus l’économie unifie, pour la culture doit différencier. p.121
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L’auteur de ces lignes est Michel de Certean. Toutes sont extraites d’un texte intitulé « la culture et l’école », qui a été publié dans la revue Projets en 1972. (ici les références sont issues du livre La culture au pluriel de Michel de Certeau, Seuil Essais, 1974 -1980).
On ne peut que constater le caractère visionnaire de ce texte que l’on pourrait transposer aujourd’hui.
Cette réflexion doit se mettre en écho à d’autres réflexions d’un autre genre : celle de Hannah Arendt sur la crise de la culture (et les passages consacrés à l’enseignement); celle de Ivan illitch (deschooling society dans son titre original); et les réflexions plus récentes sur les TIC, la culture et l’école, qui font débat en ce moment, les travaux de Dominique Pasquier ou encore ceux de Bernard Lahire par exemple
A suivre et à débattre
BD

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