En ligne ou pas, vers la continuité pédagogique

Print Friendly, PDF & Email

En ligne ou hors ligne ? Problème de continuité. J’utilise régulièrement des terminaux (ordi portable, tablette, smartphone) en tous lieux et à tout moment. Les applications que j’utilise m’amènent à reposer la question de la continuité et de l’enjeu qu’il y a à la développer réellement ou pas. Cette question est liée à celle des possibilités de nomadisme permise par les technologies. SI l’on élargit la question à l’apprentissage « diffus », alors l’apprentissage nomade nous impose de penser la continuité et sa gestion.
J’utilise sur ces différentes machines trois types d’applications : celle pour lesquelles tout est dans le terminal (autonomie complète), celle qui sont autonomes mais qui recourent partiellement ou totalement à une connexion et celles qui ne sont utilisables qu’en étant connecté.
Si pour les troisièmes, la connexion permanente est obligatoire et si pour les premières elle peut être inutile, c’est la définition des applications « hybrides » qu’il faut poser. Quelle nécessité y a-t-il d’une connexion et de quelle qualité. Ainsi je viens d’installer sur ma tablette numérique équipée uniquement de wifi et de Bluetooth un gestionnaire de mon agenda en ligne qui m’autorise aussi à l’utiliser hors ligne. La synchronisation s’effectuera au moment où je serai connecté à un réseau.
Pour chacune de mes machines je dispose de plusieurs possibilités. Mon ordinateur portable est principalement en wifi et Bluetooth, mais je dispose d’une clef 3G qui me permets de me connecter si je n’ai pas de wifi. Ma tablette ne disposant pas de la possibilité 3G, je suis coincé. Quant à mon smartphone, il a les trois connexions possibles. Finalement c’est lui le meilleur pour l’instant. Mais il se trouve que depuis la version 2.2 de son système d’exploitation est incluse une possibilité de partage de la connexion en wifi, qui est nouvelle et que je croyais inactive (cf. visite en boutique de mon opérateur). Du coup ma tablette et mon ordi en profitent ponctuellement. Mais, hormis pour le smartphone je n’ai pas de continuité réelle de la connexion.
L’une des évolutions essentielles, à espérer dans les temps prochains, c’est l’amélioration de la continuité, aussi bien des connexions que des applications. A cela s’ajoute la durée potentielle d’utilisation de chaque machine : entre 1h30 et 10 heures en activité selon la machine, les variations sont grandes. Et enfin ajoutons à cela la mise en route immédiate ou lente selon l’appareil. Si l’on ajoute transparence dans la continuité aussi bien entre machines qu’en connexion, rapidité de mise en route et mobilité, le tout dans un contexte ergonomiquement cohérent, il y a fort à parier que le phénomène de la continuité incarnée par le smartphone/téléphone portable ne gagne l’ensemble de la planète mobile.
Si maintenant, nous voulons développer de l’apprentissage nomade (Mobile learning) dans l’univers éducatif, il faudra prendre en compte ces dimensions. Certes on pourra nous dire que les smartphones suffisent, mais ceux qui veulent de la précision dans la consultation comme dans la fabrication de documents repéreront rapidement les limites de ces outils. Par contre si l’on pense continuité entre lieux, entre machines, entre situations et entre outils, alors il y a un potentiel éducatif qu’il ne faudra pas hésiter à exploiter, à condition évidemment d’avoir de vrais projets pédagogiques…. Comme pour toutes les évolutions technologiques, leur pertinence en enseignement et en éducation ne vaut que si de vrais projets pédagogiques leur donnent sens. C’est pourquoi émerge petit à petit la question de la continuité pédagogique. Au rang des évolutions technologiques qui permettent cette continuité il y aura l’ouverture des ENT à cette continuité, ce qui n’est pas réellement le cas, et l’intention, pour la plupart d’entre eux pour l’instant, mais qui va rapidement évoluer.
Passer d’une machine à l’autre, d’un lieu à un autre, d’un contexte à un autre, si cela est réellement possible, que signifie la continuité pédagogique ? Il est possible que ce ne soit le début du renversement des logiques de la scolarisation issues du début du XIXe siècle. Deux chemins (au moins) peuvent coexister dans cette évolution : une pédagogisation de la vie quotidienne, une disparition de la scolarisation. Dans son « deschooling society » Ivan Ilitch n’était-il pas dans cette idée de fin de l’école, et plus généralement dans la fin de l’étatisation de l’apprentissage. En même temps, n’assistons nous pas progressivement à cette pédagogisation de la vie quotidienne que l’on pourrait aussi bien appuyer sur les travaux de Joffre Dumazedier sur les loisirs, ceux de didactique professionnelle autour de Gérard Vergnaud (et autres cf. http://didapro.wordpress.com/ et aussi http://web.me.com/boudreaulth2/DidaproFPT/Accueil.html), ou encore ceux de Philippe Carré et alii sur l’autoformation. Si les tenants de l’éducation populaire voulaient accompagner l’école, est-ce encore possible, nécessaire, utile  dans un monde numérique qui porte en lui même un potentiel pédagogique qui efface les frontières ?
Au delà de ce débat de fond sur l’avenir des institutions d’enseignement, parler de la continuité pédagogique, c’est envisager que désormais le monde scolaire puisse diffuser au delà de ses frontières traditionnelles ses finalités, son rôle dans la société. C’est ainsi tenter de renverser la problématique de départ : est-ce que les TIC ne sont pas en train de creuser la tombe de l’institution scolaire ? En fait on peut poser la question à l’envers en se demandant si l’école ne pourrait pas être capable de pédagogiser la vie quotidienne ? Cette façon de poser le problème semble bien absurde dans la situation actuelle, tant les attaques répétées sur l’école (confère les parutions habituelles des pourfendeurs du système scolaire lors de la rentrée) semblent la situer hors d’un monde acceptable. Et pourtant c’est probablement la seule question à se poser et celle qui pourrait permettre de dépasser les débats stériles et partisans, voire idéologiques : imaginer, inventer la continuité pédagogique à partir de l’école existante. On peut par exemple imaginer ces groupes d’enseignants qui redonneraient un sens nouveau au « travail à la maison » ou encore ceux qui (comme plusieurs articles récents l’ont présenté maladroitement) décideraient que les murs et les horaires de l’école ne seraient rien en regard des besoins d’apprendre des jeunes, ou encore ceux qui (et certains l’expérimentent, parfois maladroitement depuis près de dix années) pensent que le lien n’est jamais vraiment rompu, mais qu’il n’est pas que contrainte, effort, souffrance face à l’apprentissage, mais qu’il serait plaisir d’apprendre, joie de découvrir, force du partage des questionnements, mutualisation des solutions. Les jeunes (et peut-être non pas les élèves) eux-mêmes pourraient avoir une grande part dans l’organisation et la gestion, voire le pilotage de cette continuité pédagogique. Les utopies en la matière ne sont pas loin de ce que l’on observe ici ou là mais qui est marginalisé, par crainte de rendre friable ce socle fatigué de l’école d’aujourd’hui.
La continuité pédagogique, qu’elle vienne de l’intérieur ou de l’extérieur, appuyée sur des façons d’êtres ensemble, des médiations  et sur des médiatisations (chères à Daniel Perraya) est un terreau très fertile d’innovation. Les prochaines années en donneront probablement la preuve. A condition que les idéologues qui débattent si méchamment sur la place publique cèdent la place à ceux qui veulent enfin construire les entrées dans les savoirs de demain
A suivre et à débattre
BD

3 pings

  1. […] En ligne ou pas, vers la continuité pédagogique […]

  2. […] En ligne ou pas, vers la continuité pédagogique […]

  3. […] En ligne ou pas, vers la continuité pédagogique « Veille et Analyse TICE […]

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.