E.M.I.A. : étudiants (élèves) massivement impliqués dans leur apprentissage

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A force d’entendre parler des MOOC, des classes inversées et de plusieurs autres « innovations » dites pédagogiques avec le numérique, on peut observer que les élèves, les étudiants (les élèves) sont en grande partie mis de coté… malgré toutes les bonnes intentions des uns et des autres…. En effet on entend bien les termes collaboration entre pairs, travail d’entrainement et d’exercice accompagné par l’enseignant. De fait les intentions sont bien au service de ceux qui apprennent mais là où ils sont mis de coté, c’est qu’on ne travaille pas assez la question de l’implication personnelle, l’engagement nécessaire pour entrer dans ces modes d’apprendre. Outre que culturellement elles sont plutôt l’apanage de ceux qui ont déjà les outils cognitifs, psychiques et métacognitifs, les compétences qu’imposent ces dispositifs ne sont pas travaillées, ni en amont des dispositifs (la forme scolaire ignore cela) si dans les dispositifs eux-mêmes. Même si on parle de tutorat (parfois même par des avatars d’enseignants), la plupart de ces « innovations », comme d’ailleurs plus généralement les formes traditionnelles d’enseignement considèrent que c’est à l’élève l’étudiant de s’adapter et que cela fait partie de sa formation (cf. le métier d’étudiant cher à Alain Coulon (Le métier d’étudiant. L’entrée dans la vie universitaire, Paris : PUF, 1997. – 219 p. ; 21 cm. – (Politique d’aujourd’hui).
Face à cette vision centrée sur les concepteurs des dispositifs d’enseignement de toutes sortes, innovants ou traditionnelle nous proposons de renverser l’approche en se demandant ce qui fait qu’un élève ou un étudiant apprend, travaille, développe, des compétences. On peut se tourner vers les travaux sur la motivation (F. Fenouillet) ou la volition (L. Cosnefroy) ou encore le sentiment d’efficacité personnelle (A. Bandura) pour en prendre la mesure. On peut aussi aller vers la théorie du flux (flow de M. Csíkszentmihályi) pour mieux comprendre ce qui se passe dans des situations d’apprentissage. Mais on peut aussi regarder comment un jeune entre dans le monde de sa naissance à l’âge adulte (cf. Cl Bastien) pour commencer à entrevoir certains aspects plutôt cognitifs et contextuels. La question de l’engagement dans les apprentissages dont on trouvera quelques éléments illustratifs ici (http://www.edu.gov.mb.ca/m12/frpub/appui/engagement_ni/docs/mesures.pdf) est pourtant essentielle. Or elle est trop peu travaillée par les concepteurs de dispositifs éducatifs.
Par contraste avec les MOOCs CLOMs, et autres flipped, cross et autres dispositifs qui sont apparus il y a peu de temps, nous proposons de réfléchir le concept d’E.M.I.A. (Etudiant ou élève massivement impliqué dans son apprentissage) et d’en faire une base pour comprendre les raisons de l’apparition de ces nouvelles propositions. En effet l’observation des jeunes en train d’apprendre montre qu’au cours de leur développement ils passent par des phases et des formes d’apprendre qui sont plus ou moins compatibles avec l’environnement dans lequel ils évoluent. Ainsi en est-il de certains élèves que le système scolaire ne parvient pas à faire adhérer à ses modalités, ses valeurs et qui pourtant parviennent à un développement de qualité. De même en est-il de ces salariés ou de ces entrepreneurs qui évoluant dans leur métier continuent d’apprendre de leur expérience au point que ces apprentissages supplantent ceux qui ont été faits de manière académique.
L’arrivée d’Internet, à la suite de l’ordinateur individuel qui en avait déjà montré quelques signes, a mis en avant le fait que n’importe quel humain est capable d’aller chercher ce dont il a besoin pour mieux maîtriser son environnement et en premier lieu les connaissances. Ce qui dérange les institutions académiques en place c’est que désormais elles ont perdu le monopole de cette forme de transmission (dont on rappelle que ce n’est pas seulement magistral) qui faisait de celui qui à la connaissance le conducteur exclusif du parcours d’apprendre. D’ailleurs on trouve dans certains combats disciplinaires les survivances de cette idée qui veut que les jeunes « ne savent pas » suffisamment et que donc il faut leur imposer, dès le plus jeune âge parfois, des connaissances qu’ils s’empressent d’oublier dès qu’ils sont sortis du système. Or quand des jeunes sont massivement impliqués dans leurs apprentissages, ils sont demandeurs de ces connaissances. Mais on (les prescripteurs) a souvent tellement peur qu’ils ne soient pas suffisamment demandeurs (à l’image de l’ennui à l’école), qu’on préfère le leur « inculquer ».
La question essentielle qu’il faut donc poser à tous ces prescripteurs est : qu’est-ce qui peut permettre d’impliquer massivement les jeunes dans les apprentissages ? Si simplement cette question était systématiquement posée avant toute action pédagogique, on aurait fort probablement d’autres innovations, probablement moins médiatisées. Malheureusement on a pu observer que l’inconscient scolaire (la forme scolaire en tant que représentation sociale) est la base d’une autocensure pédagogique relayée par des murs, des règlements, des emplois du temps…. Or ce que les MOOCs, CLOMS et autres classes inversées nous disent, bien maladroitement parfois, c’est justement que ce qui est premier c’est l’implication massive. D’ailleurs le taux d’abandon ne doit pas cacher le fait que nombre d’inscrits n’ont pas cette implication massive et donc abandonne dans un lâcher prise inversé qui les amène d’ailleurs à redemander parfois un retour à la tradition première (vécue dans l’enfance scolaire le plus souvent).
Sri Aurobindo dans sa cité imaginée et réalisée à partir des années 1970 dans la banlieue de Bombay avait probablement recherché cette nouvelle proposition. Lui aussi a été rattrapé par la normalisation scolaire. Mais désormais un trouble fête nouveau est arrivé : Internet et plus généralement une nouvelle forme de vie en réseau fondée sur une accélération massive des échanges humains, matériels et immatériels. Jadis les voyageurs, les colporteurs, les artistes passaient transmettre de ville en ville. Aujourd’hui nous sommes tous devenus des « colporteurs ». Mais face à nous nous avons d’autres colporteurs potentiels, mais qui ont en plus de nouvelles ressources pour contester leurs interlocuteurs. C’est cela qui effraie l’institution académique. L’émergence de nouvelles propositions, elles aussi académiques et institutionnelles est davantage le signe d’une résistance en recherche de réponses que de véritables avancées. Tant qu’on oublie de penser la force de l’implication au delà de la simple allusion alibi, on s’expose à une simple reproduction des mécanismes d’exclusion qu’un modèle scolaire qui a été longtemps inclusif mais qui, dans nos sociétés et le contexte actuel, est devenu insuffisant en termes de réponse aux besoins des personnes, et des jeunes en particulier. Pour ainsi dire « Internet nous donne des leçons » !!!
A suivre et à débattre
BD

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