Du modèle réduit au drone, quand le numérique passe par là !

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Un article (http://www.paristechreview.com/2014/03/19/apple-airbus-dronautique/) publié dans la revue « ParisTech review » sur l’avenir (et le présent) des machines volantes (mais pas seulement) qu’on appelle drones est l’occasion de questionner plusieurs thématiques issues de l’effet de la numérisation sur la société de manière globale, mais aussi les personnes de manière particulière. Evidemment l’interrogation de ces thématiques renvoie directement et indirectement aux questions éducatives, car ce monde qui se construit devant et avec nous est aussi celui de demain, celui de nos enfants, de nos élèves et étudiants…
Reprenons d’abord la dimension historique. De la guerre 14 à aujourd’hui, un siècle plus tard, le développement d’engins pour regarder le monde autrement n’a eu de cesse de se développer, que ce soit dans l’air, sur terre ou dans l’eau. On se souvient bien sûr de ces photographiez aériennes prises d’avions ou de dirigeables captifs. Les drones d’aujourd’hui sont bien les continuateurs de cette pratique. Ce qui change est d’abord le processus d’automatisation croissante des appareils permettant de parvenir à réaliser ces missions. On se souvient aussi que ces aéronefs sont aussi rapidement devenus des transporteurs de bombes, devenues elles mêmes de plus en plus précises. Le développement des automatismes, puis de l’informatique a permis de doter ces engins d’une autonomie importante. Au lieu d’embarquer un humain, ces machines embarquent désormais de l’humain, mais au travers des technologies et des algorithmes qui les font agir. Autrement dit avec la technologie l’homme donne procuration, délégation à la machine pour réaliser ses propres désirs, besoins… en particulier de voyeur. Car c’est cette image de voyeurisme qui est la constante imaginaire qui sous tend ces développements. Voir sans être vu et sans risque.
Une autre dimension fantasmatique doit être explorée : celle de la puissance, la domination à distance. Pour tous ceux qui ont approché le modélisme, bien avant l’arrivée de l’informatique nomade, il y avait dans les objets « radiocommandés » une magie. On pouvait « piloter » à distance un objet mobile. Très tôt d’ailleurs des appareils photos avaient été embarqués sur ces modèles et les militaires regardaient du coin de l’oeil ces machines dont ils avaient bien imaginé qu’elles pourraient un jour leur servir. Les drones ne sont que la suite logique de la rencontre entre le modélisme de papa et de l’informatique de ses enfants. On est passé du jouet (comme cela est présenté encore aujourd’hui) à la « vraie vie ». Ce qui est impressionnant c’est la continuité entre une pratique distractive (loisir, jeu ?) à une pratique professionnelle. On a déjà pu l’observer, les pratiques d’objets qui sont classées dans la catégorie des « jouets » sont en fait des pratiques de « simulation » parfois pré-professionnelles. Or ces simulations ont donné naissance à des pratiques réelles. On est bien dans la continuité éducative, symbolique et imaginaire.
Comment penser ces objets « contrôlés » à distance en temps réel ou en différé en termes éducatifs. Élargissons le champ et inscrivons les drones dans le champ de l’information communication. L’un des éléments les plus significatifs de ce dernier siècle a été la connexion entre tous les humains du monde entier dans un premier temps, puis l’accélération rapide des échanges liés à ces connexions au point qu’aujourd’hui c’est l’instantanéité qui est l’unité de base de ce qui circule au travers de ces connexions. Communiquer en visio-conférence avec l’autre bout du monde est désormais un élément du paysage connecté de notre vie quotidienne. Avec les drones, la connexion va s’enrichir du « pouvoir agir à distance ». De la chirurgie à la guerre, on peut désormais vivre par procuration instrumentale. Les médiations nouvelles que permettent les techniques issues de l’informatique et de l’électronique sont cependant limitées. L’épaisseur de l’humanité réapparaît systématiquement au milieu de ces messages finalement froids que transmettent les machines. Or ce que les drones apportent c’est le sentiment qu’il n’y a rien derrière ces images et ces actions. Or quelques études sur les pilotes d’avions militaires et désormais de pilotes de drones fait apparaître progressivement un questionnement qui émerge dans les problèmes psychologiques rencontrés par ces personnes : non ce n’était pas un jeu vidéo. Cette soudaine prise de conscience de certains de ces pilotes nous révèle que cette humanité est bien présente, mais qu’elle est d’abord en chacun de nous avant d’être dans l’interaction avec les autres.
C’est vers les simulations, ludiques ou non, qu’il nous fait tourner notre regard d’éducateur désormais. Le monde scolaire est un monde de simulation du réel par définition. On sait combien le prisme de ce monde est déformant, abstrait qu’il est par construction. A l’école on apprend le monde par procuration. Devant l’écran du jeu vidéo, on imagine et se représente un monde construit en lien avec des formes de réalité imaginées (des simulations de guerre à « Mario Brother »). Les tentatives d’automatisation et de robotisation de l’enseignement ont toutes échoué (à ce jour diront certains). Certes les médiations ont été de plus en plus instrumentées (du TBI à la tablette en passant par Internet et autres logiciels de toutes sortes). Mais la médiation humaine reste un besoin fondamental de la construction de soi. Les blockbusters venus principalement du monde anglo-saxon nous ont montré de plus en plus de ces humains déshumanisés, voir robotisés. C’est bien le fantasme de l’homme machine qui est sous-jacent, mythe fondamental de nos sociétés humaines. Mais c’est aussi l’idée de toute puissance divine qui est réinterrogée dans ces usages qui donnent à l’humain une « image vraie » de ce sentiment de puissance absolue, celui que ressent parfois le petit enfant quand il maltraite un insecte ou un petit animal…
A suivre et à débattre
BD

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