Socle et numérique : épisode 2 de 6

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Le premier domaine du socle, considéré comme essentiel par ses auteurs, est évidemment celui du langage, élément primordial qui définit l’humanitude. Pour ceux qui observent de près les évolutions de l’informatique depuis les débuts de sa démocratisation à partir de 1980, il est facile d’observer que si l’on a débuté en informatique par la programmation (le fameux clignotant qui apparaît à la mise en route de la machine sur fond d’écran noir), aujourd’hui les interfaces graphiques (vocales, tactiles etc…) ont fait disparaître progressivement la conscience de ce langage sous-jacent. Mais déjà à l’époque, le langage basic était déjà une surcouche du langage assembleur, lui-même surcouche du pilotage pas séquences de zéro et de uns. Dans l’informatique comme dans le développement humain, le langage est un « fondamental ».
Le document du CSP déclare : « L’élève apprend à lire, comprendre et exploiter des textes, des documents divers, des images et des sons, des énoncés scientifiques, des données numériques, des tableaux et des graphiques. » Comme indiqué plus loin dans le texte, le problème posé est celui du passage de la langue au sens puis à l’utilisation de la langue. Car l’enfant est entré en langage avant que l’on ne vienne le confronter à l’écrit. Or l’écrit c’est la projection, l’instrumentation même de ce qui est d’abord dit. C’est donc un instrument qu’on va essayer de lui faire maîtriser. Mais très rapidement, une fois que le décodage est fait, remonte à la surface le problème du sens et celui de l’utilisation.
Si l’oral est l’expression « naturelle » de la langue, les humains ont inventé un ensemble d’instruments pour améliorer la performance humaine. L’invention de l’écriture, puis du papier, puis de l’imprimerie et enfin des technologies digitales s’inscrit dans une suite logique. Mais ce qui est intéressant c’est que l’oral est le grand perdant, même s’il n’est pas oublié. Grand perdant car considéré comme de peu de valeur en regard des autres formes d’expression langagière. C’est en particulier la place prise par l’écrit qui doit être questionnée. Car à côté de l’oral (l’audition – le son) il y a aussi le regard (la vue – les images). Or l’écrit a pris une telle place dans l’histoire de notre culture qu’on pourrait même croire qu’il a réduit au silence les deux autres aspects du langage les plus habituellement présents dans l’information et la communication ordinaire (et aussi dans la transmission).
L’arrivée de l’informatique, et plus généralement des modélisations et formalisations scientifiques et techniques ont rajouté de nouveaux langages. Vont-ils alors encore plus enfoncer l’oral et le visuel, voire l’écrit ? L’observation des évolutions technologiques nous montre que sur les langages fondamentaux se sont construits des langages dérivés (les interfaces par exemple). Or ces langages dérivés réintroduisent la vue, l’audio, et même le touché par le biais des évolutions techniques. Autrement dit, nous sommes en présence de langages de « haut niveau » qui cachent les langages de bas niveau pour redonner de l’importance au sens et à l’usage. C’est tout l’enjeu du « faux débat » entre codeurs et décodeurs, ou entre partisans de l’apprentissage du code et ceux qui seraient partisans des usages : tous les deux sont les partisans de l’apprentissage des langages, mais pas de même niveau. Sachant qu’il y a une continuité entre ces langages on s’étonne de l’opposition apparente.
Dans ce premier domaine, bien que partiel, parce qu’ils n’arrivent qu’ensuite, sur le plan de l’oral et de l’image voire du corps, on sent bien que les auteurs ont compris cette continuité et qu’ils nous invitent à y travailler. En d’autres termes, devenir « décodeur » au sens large du terme est un domaine de compétence désormais de plus en plus essentiel du fait de ces couches de langages (et des logiques algorithmiques associées) qui se superposent dans les instruments et qui donnent à voir du réel des versions déformées, parfois même transformées (avec ou sans intentions). On peut aussi s’inspirer ici du mythe de la caverne cher à Platon…
A suivre et à débattre
BD


Texte proposé par le CSP pour le premier domaine :


Domaine 1 : les langages pour penser et communiquer
Le domaine des langages fondamentaux est le plus transversal de tous. L’élève y acquiert des savoirs et compétences sollicités comme outils de pensée, de communication, et de travail. Ces outils sont utilisés dans tous les champs du savoir et dans la plupart des activités.
L’élève apprend à lire, comprendre et exploiter des textes, des documents divers, des images et des sons, des énoncés scientifiques, des données numériques, des tableaux et des graphiques. Il sait écouter les autres, parler et communiquer en s’adaptant à des situations de communication variées. Pour cela, il maîtrise des codes, des règles, des systèmes de signes et de représentation et développe ses facultés d’interprétation et de distanciation. Il aura appris à identifier ce qui est attendu dans une consigne, à utiliser les informations fournies par les différents éléments qui composent un document, à connaître les conventions qui régissent les principaux types d’écrits scolaires ou non scolaires.
Cette maîtrise le rend capable d’apprendre, de réaliser des tâches et de résoudre des problèmes ; elle est indispensable pour accéder à d’autres savoirs et à une culture équilibrée.
Objectifs de connaissances et de compétences pour la maîtrise du socle commun
– Maîtriser la langue française
La maîtrise de la langue française est un objectif central et prioritaire. Elle repose sur un enseignement spécifique mais relève aussi de la pratique de tous les autres enseignements et de la participation à la vie scolaire. Elle doit permettre à l’élève de s’exprimer et de comprendre, à l’oral comme à l’écrit et elle suppose la connaissance des régularités qui organisent la langue. Elle est l’outil premier de l’égalité des chances et de la liberté du citoyen.
L’élève développe une expression orale claire et organisée pour parler, communiquer et argumenter.
Il sait choisir le registre de langue et le type de discours en fonction de la situation. Il prend en compte les destinataires et sait les écouter. Il est conscient de la diversité des usages du français.
Il lit et comprend en développant son attention à tous les éléments du texte et en sachant moduler sa lecture en fonction des textes et de leur difficulté. Il est capable de vérifier le sens de ce qu’il lit. Il sait extraire avec pertinence et de façon critique des informations issues de différentes sources. Il a appris à tirer profit et plaisir de ce qu’il lit.
Il a été entraîné à affiner sa pensée au moyen de l’écrit, à rechercher la formulation qui convient le mieux et à vérifier la qualité de la langue qu’il emploie. Il utilise à bon escient les règles grammaticales et orthographiques1, il emploie un vocabulaire juste et précis. Il a pris goût à l’écriture.
– Pratiquer des langues étrangères ou régionales
Pratiquer une langue vivante étrangère ou régionale, c’est savoir l’utiliser de façon pertinente et appropriée dans des situations de communication variées correspondant à des moments de la vie quotidienne, dans un contexte donné.
L’élève comprend des messages oraux et écrits, s’exprime et communique à l’oral et à l’écrit de manière simple mais efficace. Il s’engage dans des dialogues, prend part à des conversations. Il connaît et applique les règles de communication : il choisit le registre et le type de discours en fonction de la situation et de ses propres intentions et sait écouter ses interlocuteurs.
Il est en mesure de remarquer des similarités et des différences d’organisation entre le français et les autres langues apprises. Il s’est approprié le code linguistique (lexique, phonétique, syntaxe) ainsi que les normes de relations sociales associées aux langues qu’il apprend, et il a été sensibilisé à la dimension culturelle propre aux langues étrangères ou régionales qu’il utilise, modes de vie, traditions, expressions artistiques, etc.
La mobilité accrue des personnes et l’internationalisation de tous les échanges impliquent la prise en  compte de la pluralité linguistique et  culturelle et  la pratique d’au  moins  deux  langues vivantes étrangères ou régionales dont l’anglais.
– Utiliser des langages scientifiques
L’élève acquiert les bases de langages scientifiques qui lui permettent de formuler et de résoudre des problèmes, de traiter des données dans toutes les disciplines.
L’élève a compris ce qu’est un système de numération. Il donne sens à l’écriture et la lecture des nombres ce qui lui permet le calcul, mental et écrit, exact et  approché, d’estimation et de contrôle, notamment en mobilisant les ordres de grandeur.
Il les utilise pour résoudre des problèmes impliquant des quantités et des grandeurs mesurables (géométriques, physiques, économiques …), en particulier des problèmes de changement d’échelles, de proportionnalité.
Il lit des plans (bâtiments, machines, métro, …), se repère sur des cartes. Il utilise des représentations d’objets, d’expériences, de phénomènes naturels, comme les schémas, croquis,
1    Le document de référence sur l’orthographe est publié au Journal Officiel du 6 décembre 1990.
maquettes, patrons, figures géométriques… Il est initié à la représentation graphique des réseaux (routiers, ferroviaires, internet, sociaux …).
Il organise et visualise des données de natures diverses à l’aide de tableaux, de graphiques, de diagrammes qu’il est capable de lire, interpréter, commenter et produire lui-même.
Il a pris conscience de l’intérêt du langage symbolique pour modéliser, étudier des dépendances entre données statistiques, les représenter graphiquement, résoudre des problèmes, démontrer.
L’élève sait que les équipements informatiques utilisent une information codée et il est initié au fonctionnement, au processus et aux règles des langages informatiques ; il est capable de réaliser de petites applications utilisant des algorithmes simples.
– S’exprimer et communiquer
L’épanouissement  de  la  personnalité  et  le  développement  culturel  de  l’élève  appellent  la rencontre avec des pratiques artistiques variées.
Sensibilisé à la démarche artistique, l’élève a appris à s’exprimer et à communiquer par l’art et a découvert les particularités des langages artistiques. Il réalise des représentations visuelles, plastiques et sonores et en justifie les choix et les intentions en s’appuyant sur quelques notions d’analyse des œuvres musicales, plastiques, filmiques, photographiques.
L’évolution des moyens de communication, la place des images fixes ou mobiles et des univers sonores, la diversité de leur production et de leurs supports, le déploiement des supports numériques et des réseaux à tous les niveaux de la société, rendent nécessaire la connaissance de leur mode de production et de signification, et des codes qu’ils utilisent. L’élève en identifiant la nature et le fonctionnement de ces différents types de communication en comprend les enjeux, est capable de les démystifier et accède à un usage raisonné et responsable des médias.
L’expression et la communication mettent en jeu le corps et supposent à la fois aisance et maîtrise de soi. Par les activités impliquant le corps (travail sur la voix, sports, danse, mime, arts du cirque, pratiques théâtrales, jeux…), l’élève a appris à se contrôler et à entrer en relation avec autrui.
L’élève doit  pouvoir  s’engager  dans  un  dialogue verbal  et  gestuel,  construire une stratégie, utiliser ou élaborer des techniques efficaces pour réaliser une performance sportive, s’impliquer dans des rencontres inter-individuelles, œuvrer dans un collectif, se déplacer dans des environnements divers.
Champs d’activités correspondants
L’enseignement du français  contribue à faire acquérir la maîtrise de la langue en faisant de celle-ci un objet d’étude dans un apprentissage programmé, progressif et explicite. Les langages sont à la fois des objets de savoir et des outils, toutes les disciplines contribuent à leur acquisition. Cette acquisition passe par des activités d’écriture intensive et des échanges verbaux structurés (ateliers d’écriture, ateliers d’éducation aux médias et à l’information, exposés, débats argumentés, interactions  linguistiques …),  des  productions  artistiques  individuelles  et  collectives,  des activités physiques et sportives, des activités de recherche permettant de mobiliser différents langages pour décrire des phénomènes, organiser des données et les interpréter, pour raisonner, argumenter et pour communiquer ses recherches et ses résultats à l’écrit et à l’oral.

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