Socle et numérique : épisode 5 domaine 4

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Observer et comprendre le monde ne peut plus se faire aujourd’hui sans avoir recours à un moment ou à un autre aux outils numériques. Les chercheurs et les praticiens le savent d’autant mieux qu’ils y sont confrontés quotidiennement. Or, à nouveau, le lien avec la rationalité, rappelé à plusieurs reprises dans ce texte, semble marquer un parti-pris éducatif mais aussi philosophique, accentué par l’opposition entre science (comprendre) et technique (faire). Et pourtant il est évoqué dans ce domaine la nécessité d’éduquer à la démarche de questionnement, attribuée a priori, aux scientifiques. Il serait dommage qu’on limite cette démarche de questionnement aux seuls objets dits « scientifiques » dans le sens où l’on ne parle de science que pour les domaines de connaissance de la matière et du vivant, sans prendre en compte le domaine des « sciences humaines et sociales ».
Ce que met en évidence le développement du numérique c’est bien sur l’augmentation du potentiel de rationalisation (statistiques par exemple) et de représentation (cf. domaine 5) du réel. Mais l’on connait aussi les limites de la modélisation et l’incertitude scientifique. On note d’ailleurs dans ce texte que l’esprit critique, toujours pas défini, reste bien sûr encadré et limité (rigueur par exemple). Le mélange des arguments du quatrième paragraphe du texte est à ce sujet très étonnant. A nouveau, esprit critique est rapproché (géographiquement) des règles élémentaires de sécurité. Comme si les auteurs craignaient eux aussi le risque de l’esprit critique. Car l’une des difficultés à cerner ce qui doit-être l’ensemble des « savoir-agir culturels » c’est un ensemble de tensions, rapportées ici mais de manière dispersée. Entre l’individuel et le collectif, entre la science et la technique, entre le bien être personnel et la vie en société, la rigueur et la curiosité ou l’imagination, et encore plusieurs autres oppositions, les auteurs sont bien en difficulté de prendre position. Car cette approche sous forme d’oppositions n’est pas tenable. D’ailleurs la dernière partie du texte le montre bien : il y est question de monde complexe.
Ce qui est cause d’embarras c’est aussi une évolution des manières de penser qui semble s’amplifier : l’émergence de courants de pensée qui s’opposent à la rationalité, soit au nom de croyance soit au nom du complot. Le monde numérique est un espace dans lequel toutes les informations circulent. Ce domaine du socle pourrait amplifier avec intérêt la démarche d’analyse critique des faits aussi bien que des dires. En effet en s’en tenant à la preuve par l’analyse rationnelle, on peut émettre des réserves quant à la force de cette démarche, surtout lorsque l’on lit, en particulier en ligne, des argumentaires difficiles à analyser et souvent bien monté, même logiquement. Même si l’allusion faite à la distinction entre preuve expérimentale et preuve logique (à approfondir) est un élément intéressant souhaitons que la place donnée aux « discours » scientifique et technique (et à leurs langages spécifiques) soit davantage mise en avant. Car si les démarches d’investigation d’expérimentation, de problématisation apparues dans les didactiques des disciplines sont indispensables, il faut absolument faire le lien avec les discours. Jacques Ellul mais aussi Bruno Latour nous ont depuis longtemps invités au décodage des discours des sciences et des techniques, leurs intentions, implicites et explicites, et pas seulement des méthodes.
Ce domaine est central dans le socle, et il ne devrait pas se limiter à certaines disciplines (il y est fait allusion mais de manière évasive). En effet l’opposition entre les sciences – dures et molles, de la matière du vivant et de l’homme – qui fait que dans le monde scolaire, en primaire en particulier, il y a un déficit dans le domaine de la démarche scientifique et les éléments de culture associés, amène certaines personnes à rejeter le travail scientifique dans un ailleurs qui se situe parfois entre vérités absolues à admettre et croyances.
Les moyens numériques ont amplifié outre les moyens d’investigation scientifique (ils doivent donc être au coeur des démarches proposées), les discours de toutes natures. Parce que ces discours sont diffusés par des canaux ouverts et qu’ils n’ont parfois que peu à voir avec les critères d’honnêteté intellectuelle (ou de rigueur scientifique justement comme l’ont encore montré de récentes affaires), ils entraînent un risque de trouble important dans la recherche de la compréhension, voire de l’observation. A vouloir aller vers le rationnel, on en oublie parfois l’humain… que ce soit celui qui dit la science que celui qui la lit.
Souhaitons que ce domaine s’empare outre de la question de l’histoire et de l’épistémologie, qu’il s’empare plus généralement de la question d’une anthropologie culturelle des sciences et des techniques dont il donne aux jeunes les éléments de base pour engager de véritables « disputatio » source de l’esprit critique. Le maître, même savant, doit pouvoir être discuté. Or les fondements de l’autorité scolaire n’ont pas été ceux de la réalité culturelle d’aujourd’hui.
A suivre et à débattre
BD
Domaine 4 : l’observation et la compréhension du monde
A l’issue de la scolarité obligatoire, l’élève dispose d’une culture scientifique et technique qui l’aide à connaître et comprendre le monde dans lequel il vit, ainsi que les grands défis de l’humanité.
Il est curieux, se pose des questions, et sait rechercher des réponses pertinentes. Il est familiarisé avec la démarche scientifique qui se donne pour objectif d’expliquer le monde, d’en comprendre les évolutions et d’agir sur lui selon une approche rationnelle qui permet de distinguer les faits et les hypothèses, des croyances et des opinions. Cette démarche, mise en valeur par la pratique de l’observation et de l’expérimentation, développe à la fois l’esprit critique et la rigueur, le goût de la recherche et de la manipulation, ainsi que la curiosité et la créativité.
Il a compris l’intérêt des mathématiques pour développer une représentation scientifique du monde ; il a aussi compris que les mathématiques se nourrissent des questions posées par les autres domaines de connaissance et les nourrissent en retour.
Il a développé un intérêt et un esprit critique à l’égard des progrès scientifiques et techniques. Il observe les règles élémentaires de sécurité liées aux techniques et produits rencontrés dans la vie quotidienne. Il comprend l’intérêt d’adopter une hygiène de vie qui respecte son propre corps grâce, par exemple, à une alimentation équilibrée et la pratique d’activités physiques et sportives. Il a une attitude responsable face à l’environnement et la préservation des ressources limitées de la planète.
Objectifs de connaissances et de compétences pour la maîtrise du socle commun
–         Se poser des questions et chercher des réponses
L’élève sait observer et décrire des phénomènes naturels ; il s’interroge sur leurs causes.
Pour ce faire, il possède une maîtrise suffisante d’un langage scientifique adapté et dispose des connaissances acquises au cours de sa scolarité. En particulier, il sait que l’univers est structuré depuis les plus grandes échelles (galaxies, étoiles, planètes) jusqu’aux plus petites (particules, atomes, molécules), que la matière se présente sous une multitude de formes, sujettes à transformations et réactions, et organisées du plus simple au plus complexe, de l’inerte au vivant. Il a connaissance des caractéristiques du monde vivant, de son organisation complexe et de l’importante diversité des espèces vivantes. Il sait que celles-ci ont évolué au cours de l’histoire de la Terre. Il connaît les principales fonctions du corps humain, également partagées par nombre d’espèces animales. Il sait que le mouvement est régie par des forces, que l’énergie est partout présente dans l’univers et revêt de multiples formes (lumière, chaleur, électricité, mouvement…).
Il est également capable de rechercher et de sélectionner des informations nouvelles sur des types de supports variés, notamment numériques.
L’élève s’empare de la question ou du problème à résoudre. Il sait extraire, organiser et traiter l’information utile. Il manipule, tâtonne, explore plusieurs pistes, fait des essais, formule des hypothèses et émet des conjectures.
–         Expliquer, démontrer, argumenter
Les sciences mettent en œuvre une démarche et des compétences spécifiques qui permettent de construire une représentation rationnelle du monde et d’en comprendre les évolutions. L’élève a été initié à cette démarche, ce qui lui a permis de développer des compétences d’observation, d’imagination, de rigueur,  de raisonnement, de précision de langage. Il a acquis un esprit ouvert et critique. Il a compris ce qui distingue une preuve expérimentale d’une preuve logique.
L’élève a appris à manipuler, mesurer, calculer, expérimenter, argumenter et mobiliser différentes formes de raisonnement (par analogie, par déduction logique…) en fonction des besoins. Il sait émettre, tester et éprouver des hypothèses.
L’élève sait exploiter et communiquer les résultats de mesures ou de recherches en utilisant un langage précis qui repose aussi sur la maîtrise des unités, des grandeurs et la notion d’incertitude. Il est capable de présenter la démarche suivie, les résultats obtenus, la réponse au problème posé. Il sait critiquer une démarche ou un résultat qui lui est présenté, analyser des démonstrations et valider des raisonnements.
–         Concevoir, créer, réaliser
Alors   que   les   sciences   conduisent   à   « savoir   pour   comprendre »,   les   développements technologiques s’efforcent de « savoir pour faire ». Aux notions clés qui structurent les sciences sont associées des applications technologiques mises au service des femmes et des hommes ; par exemple, matière et matériaux, énergie et « énergies », mouvement et transport, information et informatique, vivant et biotechnologies …
En découvrant ce qui se cache derrière des démarches simples telles que « allumer la lumière »,
« jardiner »,  « téléphoner »,  l’élève  développe  un  intérêt  pour  les  progrès  scientifiques  et techniques et leurs effets au quotidien. Concevoir et créer un objet matériel ou un autre type de réalisation concrète, pour répondre au mieux et au plus simple à un besoin exprimé, s’adapter aux écosystèmes pour en bénéficier, met en œuvre chez l’élève l’observation, l’imagination, la créativité, le sens de l’esthétique et de la qualité, les talents manuels et le sens pratique, autant que la sollicitation des savoirs scientifiques et techniques.
–         Comprendre et assumer ses responsabilités individuelle et collective
L’élève est conscient de la place de l’éthique dans le progrès technologique. Il sait qu’il faut concilier les contraintes techniques et économiques avec le respect de l’Homme et de la nature.
L’élève peut adopter une attitude raisonnée fondée sur la connaissance, et a développé un comportement responsable vis-à-vis de l’environnement et de la santé. En particulier il est conscient de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, de ses conséquences sanitaires et de la nécessité de préserver les ressources naturelles et la diversité des espèces.
L’élève  associe  au  « développement  durable »  une  démarche  pour  concilier  les  activités économiques,  la justice sociale, la protection de l’environnement. Il est sensibilisé au fait que le mode de vie actuel ne doit pas empêcher la satisfaction des besoins des générations futures. Il a compris que la santé repose sur des fonctions biologiques coordonnées susceptibles d’être perturbées par les facteurs physiques, chimiques, biologiques et sociaux de l’environnement. Il sait  que  certains  de  ces  facteurs  de  risques  dépendent  de  conduites  sociales  et  de  choix personnels.
Grâce à l’effet bénéfique sur la santé des activités physiques et sportives, grâce au dépassement de soi que ces activités exigent, l’élève accède à un sentiment de sécurité qui lui permet de se sentir bien dans son corps et de trouver sans agressivité ni appréhension sa place dans un groupe.
Champs d’activité correspondants
Ce domaine comprend un vaste pan de la culture regroupant les mathématiques, l’informatique, les sciences de la vie et de la Terre, la physique, la chimie, la technologie. Il intègre des éléments d’histoire des sciences indispensables à la construction d’une culture scientifique et technique. En abordant les sciences dès le début de l’école primaire et en les pratiquant de façon active jusqu’à la fin du collège, l’élève se familiarise avec la démarche scientifique. Il est initié à la démarche d’investigation grâce à des pédagogies adaptées ou en étant confronté à des problèmes ouverts.
La  géographie  participe  aussi  à  ce  domaine  par  la  compréhension  des  enjeux  politiques, économiques, et technologiques auxquels sont confrontées nos sociétés, et fournit des données que les mathématiques permettent de traiter. La langue française est essentielle à ce domaine car la science a besoin de toutes les ressources de la langue. L’apport de l’éducation physique et sportive pour la représentation du corps humain ou l’étude du mouvement est aussi important.
Les activités d’observation, de manipulation, d’expérimentation, d’investigation et de fabrication contribuent à l’appropriation des connaissances et permettent à l’élève de développer ses compétences à argumenter, justifier ainsi qu’à communiquer dans l’écoute et le respect des avis exprimés.
La compréhension d’une réalité complexe demande de croiser les apports des différentes disciplines. On ne peut attendre de l’élève qu’il établisse de lui-même les connexions entre les différents enseignements qu’il reçoit. La conduite de projets menant à une réalisation concrète est l’occasion de mobiliser les savoirs et d’opérer des liens entre les disciplines. C’est aussi le moyen d’apprendre à s’engager dans le cadre d’un travail collectif.

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