Les adultes devenus irresponsables, une question educative

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M. J.C. Lewandowski dans un article publié sur son blog « Focus Campus » et intitulé « le fléau du portable en classe touche aussi l’enseignants»(http://focuscampus.blog.lemonde.fr/2014/10/25/le-fleau-du-portable-en-classe-touche-aussi-les-enseignants/) évoque ce que nous observons tous dans les rencontres auxquelles nous participons dans le monde éducatif, ou non. Devant trois cents enseignants réunis pour une conférence, on observe de plus en plus souvent ces étonnants comportements. Etonnants ? Pas sûr car très fréquents. Nouveaux ? Là non plus pas vraiment. Les adultes, comme les enfants n’ont pas attendus le numérique pour s’échapper un instant ou plus longtemps de la situation présente : bavardage, petits dessins, consommation de sucreries, rêvasseries. Mais ces adultes, qu’ont-ils donc à montrer à leurs enfants ? Des comportements de façade en écart avec des comportements de fond (l’actualité nous en propose chaque jour à la une des médias, prompts donneurs de leçon qu’ils sont, alors qu’on pourrait aussi les interroger)
Qu’est-ce qui est nouveau alors ? C’est la possibilité de s’échapper, au moins imaginairement de l’ici et du maintenant, avec une médiation technique nouvelle. Plus généralement, ce que l’on observe, c’est qu’une sorte d’attitude trompeuse et mensongère devient progressivement une sorte de nouvelle norme. Je suis avec vous, mais dès que la vibration, la notification, quand ce n’est pas la sonnerie retentit, je deviens un autre, absent pour vous, mais présent pour d’autres. En d’autres termes, vous ne m’intéressez pas vraiment puisque n’importe quoi peut nous interrompre et nous rendre momentanément étrangers l’un à l’autre. Alors imaginez dans la salle dans laquelle les enseignants (et bien d’autres professions encore) sont rassemblés pour quelques heures ce que cela peut produire. Fort heureusement personne ne les voit et surtout pas les élèves (mais ce n’est pas toujours le cas). Rendons nous alors dans les rayons des magasins ou encore mieux à la caisse où les enfants dans une main, le téléphone portable de l’autre, on s’échappe à nouveau des gens qui nous sont proches là dans l’instant.
Dans un précédent billet, j’évoquais le retournement de situation de certains enseignants qui prenant acte de cette évolution tentent de donner sens à ces pratiques par rapport à l’objectif d’apprentissage. Ils s’aperçoivent d’ailleurs que cela rend explicite une sorte de jeu souterrain de « pas vu pas pris » en lui faisant perdre de son intérêt au profit de la situation présente. Certes cela n’arrête pas toutes les échappées, mais, comme nous l’avons déjà dit, s’échapper (cf. Marcel Pagnol ou François Bégaudeau) n’a pas attendu les technologies numériques pour exister. Par contre utiliser les appareils personnels (les TPMC) dans l’activité d’apprentissage donne des « idées » aux élèves et surtout leur permet de percevoir que la continuité communicationnelle n’est pas le seul mode d’usage de ces machines, mais que désormais il faut faire aussi avec la continuité d’apprentissage. La même machine peut aussi être utilisée pour apprendre, communiquer, etc… Attention, ces pratiques ne sont pas exclu antes des autres, sans machines ou avec d’autres machines, mais elles ouvrent un champ réflexion dans la relation éducative : celle des postures nouvelles rendues possibles par des pratiques sociales désormais « communes », mais pas forcément partagées. En d’autres termes et nous l’avons dit depuis longtemps, les jeunes regardent les adultes agir et leur renvoie l’image déformée (tel le miroir) de leurs attitudes. Pour aller encore plus loin, nous, adultes, sommes à la base des comportements de nos enfants. Et le nous est aussi collectif et pas seulement individuel.
De l’exemplarité et de la transparence comme un besoin et comme un piège.
Les moralistes et autres « éthiciens » sauront trouver les mots pour exiger de ceux qui sont pris en faute une autocritique allant jusqu’à l’auto exclusion. Mais rappelons cet élément fondamental de l’humain qui est son ambivalence, sa faiblesse ontologique. Chacun de nous sait que nous commettons trop souvent de petites incivilités, des écarts à la norme, voire à la loi. Certes de n’est pas grave disons nous, il n’y a pas de conséquences. Or avec les smartphones et autre ordinateurs, pour rester dans notre domaine, les conséquences sont désormais bien visibles : comment un enseignant, prompt à dégainer à la moindre sonnerie, parfois même en cours, peut imposer à ses élèves ou à ses étudiants une attitude irréprochable en cours et après ? Aucun de nous n’est irréprochable, mais chacun de nous peut s’améliorer, il est encore temps. Oubliant de mettre en silence mon téléphone, celui-ci interrompt mon propos bruyamment, que faire ? Simplement sortir l’appareil de la poche, arrêter la sonnerie et le ranger immédiatement, puis expliquer son oubli à ses interlocuteurs, s’en excuser et rester présent à ceux avec lesquels on travaille. Cela paraît simple et pourtant ils sont nombreux ceux qui ne parviennent pas à le faire. Autrement dit, la faiblesse d’attitude nous guette tous.
La tentation de l’autre à distance l’emporte sur l’autre en présence. Parce que l’autre à distance laisse une énigme, un déséquilibre : pourquoi m’appelle-t-il ? Peut-être est-ce important ? Mais je ne le sais pas car j’ai seulement son nom ou son numéro. Certains choisissent le SMS, plus discret, d’autres se mettent sur Facebook ou twitter, évitant les sonneries intempestive, mais conservant les notifications. Car finalement ce sont toutes les formes de notifications qui suscitent plus particulièrement ces attitudes issues de cette forme d’angoisse de ne pas savoir ce que l’autre me veut. Au-delà du respect de l’autre qui est physiquement là il y a simplement le respect pour soi : guider ou se laisser mener ?
Les adultes éducateurs ne pourront éviter une prise de conscience et un aggiornamento comportemental dans les années à venir. Poussés qu’ils sont par les promoteurs de ces technologies relayés par le buzz et les médias, les adultes éducateurs doivent prendre conscience pour eux-mêmes avant de le faire pour les autres qu’ils sont observés par ceux qu’ils éduquent. Mais j’ose ici mettre un point final catastrophique : et si nous avions renoncés à être éducateurs !
A suivre et à débattre
BD

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