Si tout le monde s’en charge alors personne ne le fait !!!

Il y a une tendance en éducation qui semble légitime : le partage de la responsabilité entre tous les enseignants et éducateurs de la transmission de certains savoirs, de certaines attitudes, de certaines aptitudes liées à des objets de savoir complexes. Les quatre parcours promus par les précédents ministres de l’éducation, Avenir, Santé, Éducation artistique et culturelle, Citoyen, en témoignent ; A ces quatre-là s’ajoutent l’ex B2i requalifié en CRCN (Cadre de Références des Compétences Numériques) et plus généralement l’éducation au numérique, ainsi que l’EMI (Education aux médias et à l’information). Tous ces domaines de connaissance et de compétences sont répartis entre tous les enseignants, même si certaines disciplines sont plus explicitement incitées à se responsabiliser.

La question sous-jacente est celle de la place de la « culture » dans l’enseignement scolaire. Pas la culture intellectuelle et artistique, mais la culture qui est « dans son sens le plus large, considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. » (UNESCO 1982). Depuis de nombreuses années, la distinction entre savoirs et culture a amené le système scolaire à établir une norme scolaire qui n’est pas la norme sociale, en mettant de côté puis en retrait, certains pans de la culture. Dans le même temps nombre de propos exprimés lors de problèmes sociaux importants se sont questionnés sur la place de l’école et de ce qui s’y transmet dans l’idée que cela pourrait déterminer les comportements adultes : violence, drogue, sexualité, religions. L’école est souvent mise en cause comme défaillante et donc convoquée pour minimiser ces problèmes. C’est là qu’interviennent des propos du type : « il faut éduquer à, dès les premiers temps de la scolarité ». Car la forme scolaire a ceci de particulier qu’elle ne s’intéresse pas réellement à la culture, mais plutôt à des savoirs identifiés, reconnus, découpés et stratifiés en âges successifs correspondants aux niveaux de classes. Pour le dire autrement il y a incompatibilité.

Le CRCN et l’EMI sont de bons objets d’observation et d’analyse. Surtout si on les met en perspective avec les choix ministériel d’engager l’enseignement du code et de l’informatique à l’école, du primaire au lycée. On le constate, l’informatique et le code sont des objets aisément scolarisables. Par contre les compétences numériques, informationnelles et médiatiques le sont beaucoup plus difficilement. Comment imaginer que compte tenu de sa dimension pervasive, le numérique, l’information ne soient pas travaillés dans tous les enseignements. D’ailleurs quand on analyse les textes officiels, il y avait souvent des éléments signalés dans les préambules aux contenus des enseignements qui faisaient allusion au recours à la recherche d’information ou encore à l’utilisation des moyens numériques. Faire allusion n’a semble-t-il pas été suffisant. Même la loi n’y suffit pas comme l’introduction du B2i en 2005 dans le socle commun l’a montré.

C’est pourquoi j’ai exprimé le fait que lorsque l’on décrète qu’un enseignement doit être fait partout, en général il n’est fait nulle part. En entendant le ministre demander aux équipes de réfléchir à la manière de faire le CRCN ou l’EMI de manière transversale, j’ai l’impression qu’on est dans ce cas de figure, l’histoire bégaye parfois…
Revenant à mes souvenirs Culturels, j’ai réactualisé un poème de Paul Vincensini et l’ai un peu transformé : voici donc la version transformée, suivie de la version originale (dont le fac simile peut se consulter en ligne : http://verlaine06.chez-alice.fr/images/toujours_et_jamais_manuscri.gif ). Ce poète avait vu certains de ses textes interprétés par un duo d’humoriste Avron et Evrard au début des années 1980.

Partout et Nulle part étaient Partout ensemble, ne se quittaient Nulle part.

On les rencontrait dans toutes les foires. On les voyait le soir traverser le village sur un tandem. Partout guidait, Nulle part pédalait.
C’est du moins ce qu’on supposait !

Ils avaient tous les deux une jolie casquette : l’une était noire à carreaux blancs, l’autre blanche à carreaux noirs. A cela on aurait pu les reconnaître ; mais ils passaient Partout le soir et avec la vitesse…
Certains d’ailleurs les soupçonnaient, non sans raison peut-être, d’échanger certains soirs leur casquette.

Une autre particularité aurait dû les distinguer : l’un disait Toujours et Partout bonjour, l’autre Toujours et Partout bonsoir. Mais on ne sut Nulle Part et Jamais si c’était Partout qui disait bonjour, ou Nulle part qui disait bonsoir, car – entre nous – comme ils étaient Toujours ensemble, ils ne s’appelaient Jamais.

D’après Paul Vincensini.

Voici le poème initial de Paul Vincensini, poète ardéchois que j’ai eu la chance de rencontrer en 1984 au cours d’un stage de formation de professeurs de lettres histoire de LEP :

Toujours et Jamais étaient toujours ensemble, ne se quittaient jamais. On les rencontrait dans toutes les foires. On les voyait le soir traverser le village sur un tandem. Toujours guidait, Jamais pédalait. C’est du moins ce qu’on supposait !

Ils avaient tous les deux une jolie casquette : l’une était noire à carreaux blancs, l’autre blanche à carreaux noirs. A cela on aurait pu les reconnaître ; mais ils passaient toujours le soir et avec la vitesse… Certains d’ailleurs les soupçonnaient, non sans raison peut-être, d’échanger certains soirs leur casquette.

Une autre particularité aurait dû les distinguer : l’un disait toujours bonjour, l’autre toujours bonsoir. Mais on ne sut jamais si c’était Toujours qui disait bonjour, ou Jamais qui disait bonsoir, car – entre nous – comme ils étaient toujours ensemble, ils ne s’appelaient jamais.

Paul Vincensini

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