Grenelle de… EGN, une boite qui restera vide ?

Grenelle de… une boite qui restera vide ?

Grenelle des professeurs ou Grenelle de l’éducation ? Si on réécoute le ministre fin aout, c’est bien la première version qui est la bonne : il s’agit de « négocier » avec les enseignants. Si on écoute ce qui circule ici ou là c’est la deuxième version qui s’invite. Pourquoi cette confusion ? On retrouve la trace de la deuxième version dans un ensemble de document qui datent de 2017 (https://www.leparisien.fr/societe/l-appel-des-organisations-de-jeunesse-pour-un-grenelle-de-l-education-10-07-2017-7122594.php?ct=t%28Etats+G%C3%A9n%C3%A9raux+Education%29&mc_cid=4175302974&mc_eid=%5BUNIQID%5D#xtor=AD-1481423553). On trouve même des appels plus anciens à une telle manifestation. Et on peut ainsi comprendre que la question de l’éducation, plus large que celle de l’école ou encore des professeurs est perçue comme prioritaire par beaucoup d’acteurs du secteur. A tel point que des médias mélangent les deux expressions.

Tordons le cou à l’expression Grenelle. Cet article intéressant tente simplement de clarifier les termes employés : https://www.caminteresse.fr/economie-societe/quest-ce-quun-grenelle-1110227/ On peut aussi lire l’ouvrage de Denis BARBET, 2009, Grenelle. Histoire politique d’un mot, Rennes, Presses Universitaires de Rennes ou ses comptes rendus (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01446743/document). On est donc passé d’un mot qui désigne un lieu de négociation en 1968 à un terme de « communication ». Car c’est bien ce que l’on pressent, le ministre a fait une annonce médiatique, comme il l’avait fait précédemment avec les Etats Généraux du Numérique (EGN), soutenu en cela par des communicants dont on peut s’interroger sur leur pouvoir d’influence sur les annonces des décideurs.

Rappelons aussi que tous ces Grenelles, qui ont suivi le premier qui avait permis de significative hausses de salaires, ne se situent pas du tout dans la même ligne, même s’ils laissent croire à des « changements » significatifs, comme l’espèrent ces fameux communicants. Ils sont un petit peu comme des comités Théodule, des rapports et autres commissions dont on voit que l’intérêt est surtout de tenter d’éteindre des incendies tout en parlant des questions difficiles. Malheureusement cela ne fonctionne pas comme ça et que trop souvent les chantiers restent en l’état (rappelons-nous l’environnement en 2008) et sont très peu traduits en acte. Or c’est bien sur ce champ là qu’il est nécessaire d’aller, même si c’est risqué. Chacun de nous cherche à voir, concrètement, ce qui se fait au-delà des discours. Malheureusement, cela reste limité.

La démarche engagée dans les EGN en particulier pour la collecte des retours d’expérience de terrain peut sembler aller dans le bon sens. Toutefois, on peut penser qu’une fois terminés, les bonnes intentions venues des acteurs auront du mal à se traduire en décisions politiques d’ampleur. Cela va donc dépendre de la manière dont toutes ces journées académiques puis nationales vont faire émerger des courants forts, c’est cela l’enjeu principal. Des documents, comme le récent avis du comité d’éthique ne confirment pas cela et ne semblent pas en mesure d’aider les acteurs au-delà de constats connus. Le risque de ces retours d’expérience c’est qu’ils n’apportent que très peu de nouveauté répondant à des problématiques spécifiques, mais confirment plutôt eux aussi ce que l’on connaît déjà. La récente parution de premiers résultats d’enquêtes menées par des laboratoires de recherche ou autres cabinets apportent de précieuses indications. Malheureusement, certains les critiques a priori car ils ne sont pas représentatifs comme on a pu le lire sur twitter. Ces critiques doivent renvoyer le ministère et en particulier la DNE à son absence d’enquête et d’observation réelle des pratiques, en particulier en lien avec les collectivités. Ces dernières, mairies, départements, région, d’ailleurs, n’ont pas non plus été sur ce terrain qui aurait pu donner à voir des réalités complexes en lien avec les écosystèmes locaux.

Le ministère montre très souvent une image si ce n’est d’autosatisfaction du moins d’une humilité très relative, portée par une communication qui est orientée sur l’idée que le pilote (JMB) tient réellement les gouvernails. La volonté d’un retour à la normale à la rentrée a pu sembler acquise, mais après quatre semaines, la remontée de la pandémie suppose d’envisager de nouvelles restrictions et donc une nouvelle reconfiguration. Ces manières d’agir et de piloter semblent antinomique avec toute négociation, tout partage, tout Grenelle. L’appel récurrent au Conseil Scientifique de l’éducation pour appuyer les choix du ministre ne peut être totalement comparé avec ce qui se passe dans le domaine de la santé, tant ce conseil semble un instrument au service d’une certaine conception de la recherche qui est loin d’être partagée dans le monde scientifique.

Les hésitations sémantiques, les annonces médiatiques préalables à toute concertation de terrain, les modes de pilotage semblent montrer qu’il n’en sortira rien ou pas grand-chose. Quand on parle des EGN, par exemple, on peut s’interroger sur la place et le rôle réels des collectivités : ne sont-elles que de simples distributeurs de moyens ? Deux exemples vont servir d’indicateurs dans les temps prochains : qui va payer les équipements des enseignants promis par le ministre ? Qui va payer les matériels des élèves du primaire (expérimentation engagée en Val d’Oise et l’Aisne) ainsi que les connexions Internet. Mais bien plus encore : quels équipements logiciels et quels liens avec les infrastructures existantes ? Quel mode de distribution et de restitution ? S’il suffit de distribuer un ordinateur avec des logiciels bureautiques on se demande quel en sera véritablement l’usage ? Depuis la loi de 2013, les collectivités assurent la maintenance, qui sera alors responsable de ces matériels si c’est l’Etat qui le finance ? Beaucoup de questions encore à répondre et permettre à tous les acteurs d’y voir clair.

Un Grenelle et des EGN qui semblent encore trop flous pour imaginer ce sur quoi ils vont déboucher. Attendons une communication claire et compréhensible !

A suivre et à débattre
BD

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