Une année calamiteuse, un crise globale de santé qui s’invite dans une crise écologique et un enfermement progressif de la population dans des règles de vie difficilement supportables en regard de ce que l’on a vécu au cours des années précédentes. Certes la situation est difficile à vivre mais,elle n’est pas une nouveauté dans l’histoire et aussi dans d’autres contrées que la nôtre. Sans risquer un parallèle qui pourrait paraître exagéré, nos parents, comme d’autres pays de la planète ont connu de ces basculements radicaux d’une grande liberté à des contraintes fortes et parfois militairement encadrées.
Bien plus que le terme résilience, le terme résistance peut être porteur d’espoir, au sens que lui a donné Malraux, il pourrait inspirer ceux qui pensent que dès à présent il faut imaginer reconstruire le monde de demain. Malheureusement le terme résistance a pris davantage le sens de refus et de retour à un avant idéalisé que celui de reconstruction autrement. Et pourtant, tous ceux qui font référence à ces actions historiques oublient que ceux qui avaient agi ainsi le faisaient au nom d’un avenir à bâtir et non pas un passé à réactiver.
De Joffre Dumazedier à Daniel Cordier, il nous semble possible d’envisager la force de la résistance pour construire l’avenir dont nous actons le fait qu’il ne sera pas l’identique de l’avant. Et pour cela les moyens numériques nous montrent paradoxalement le chemin. Car on fera avec parce qu’ils ont su déjà poser une possible résilience permettant de « supporter » la situation difficile du moment. Plus largement c’est la société d’information et de communication qui prend petit à petit la place de la société industrielle issue du 19è siècle qui se met en place.
De l’enseignement en ligne au travail et à la vente à distance, nous avons commencé par tenter de garder nos pratiques d’avant. On a souvent confondu bricolage avec innovation dans les analyses faites de cette période, en particulier dans le monde académique, scolaire et universitaire. D’ailleurs les retours d’expérience le confirment en particulier lorsqu’on a recherché à en extraire « les bonnes graines » (cf.les E.G.N.). Il n’y a pas grand chose à en retirer mais surtout on essaie d’en profiter pour recycler ce qui a été fait avant et les institutions qui le portent.
Résister disons nous, parce que nous devons inventer le monde de demain. Et pour cela nous avons des contraintes écologiques et des moyens numériques et autres ressources scientifiques. Il nous faut aussi compter sur les humains et leur capacité à s’adapter, leur agilité dirait-on en ce moment. Cette transformation à construire c’est celle qui va permettre de nouvelles formes de vivre ensemble mais qui va surtout assouplir les règles de la présence et de la distance, celles de la rencontre et celles des interactions humaines.
L’engagement à prendre n’est pas celui du retour à l’avant, mais celui d’une transformation fondée sur d’autres formes de présence, des présences médiatisées et hybridées. Sans oublier que les moyens numériques ne sont que des moyens, et pas les seuls, et surtout qu’ils ne sont pas excluant des autres, mais qu’ils sont à situer comme au cœur de la transformation à élaborer.
On pourra nous accuser de faire le lit de techniques associées à des modèles économiques fondés sur le profit. Là encore c’est une vision du monde ancien. Le profit a perdu son sens dans cette crise. Et pourtant il tente de surnager en se cachant derrière l’idéal d’un bonheur antérieur. Et pourtant sa logique continuait de creuser les inégalités… et aussi le dépérissement de nos milieux de vie en les considérant comme « exploitables ».
La résistance c’est un horizon vers lequel on choisit d’avancer. C’est un chemin à construire avec les moyens disponibles, et en particulier, désormais, les moyens numériques. La résistance c’est aussi des réseaux humains qui passent de l’informel au formel, mais progressivement en prenant soin de ne pas enfermer. La résistance suppose aussi de la mémoire afin de comprendre d’où l’on vient, les acquis, mais aussi les erreurs.
La sortie de crise ne doit pas être une explosion, même si c’est le premier mouvement comme on a pu le constater après le premier confinement de mars-avril 2020. Il s’agit dès à présent d’imaginer un autre avenir à long terme qui soit appuyé sur une volonté d’articuler humain et environnement, appuyé sur des technologies et de nouveaux modèles économiques solidaires.
La résistance c’est aussi d’éviter l’émergence de certaines pratiques qui risquent d’entacher la possibilité pour chacun de se construire. Ce sont en particulier les pratiques qui touchent au contrôle des humains et de leurs activités. C’est une des dérives permises par certaines techniques qui émergent et qui s’insinuent dans nos vies. C’est aussi amener chacun à reprendre le sens de ses responsabilités, du collectif, du bien commun. C’est permettre aussi le développement de nouvelles pratiques d’interactions humaines basées sur l’entraide et non pas sur la concurrence….
A suivre et à débattre
Ce texte est un essai personnel de réflexion qui demanderait à être approfondi
BD