Ca manque de souffle ! Revoilà les z’écrans…

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Du Président aux oppositions, cela manque de souffle, de vision. Chacun est dans le passé, imaginé, idéalisé et enjolivé, mais chacun dans son univers idéologique. On peut leur suggérer de lire… sur papier ou sur écran, au lieu de se suffire de bons mots et de titres ronflants. L’exemple des écrans est une belle illustration de cela : de Georges Gerbner à Pierre Babin et Marie-France Koulmdjian pour la télévision et jusqu’à actuellement, les chercheurs qui ont publié « les enfants et les écrans » (Retz 2023), sans parler des enquêtes IPSOS (https://www.ipsos.com/fr-fr/malgre-un-temps-croissant-passe-sur-les-ecrans-les-jeunes-lisent-toujours-autant ) ou encore les méta analyses (https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/13/impact-des-ecrans-sur-les-enfants-une-meta-analyse-fait-etat-d-effets-d-intensite-faible-a-moderee_6199909_3244.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default ) intitulée : « An umbrella review of the benefits and risks associated with youths’ interactions with electronic screens » dans lequel on peut lire « Lorsque les méta-analyses ont examiné l’utilisation générale des écrans et n’ont pas précisé le contenu, le contexte ou l’appareil, des preuves solides ont montré des associations potentiellement nocives avec l’apprentissage général, l’alphabétisation, la composition corporelle et la dépression. Cependant, lorsque les méta-analyses ont inclus un examen plus nuancé des expositions, une image plus complexe est apparue. « . On peut d’ailleurs s’étonner de la publication d’une liste « d’experts » qui doivent aider le gouvernement à y voir clair sur cette question, il suffit de connaître le milieu de ces « personnes autorisées  » (cf. Coluche) pour comprendre qu’être expert c’est d’abord être près de la lumière…. avant d’être compétent sur le sujet (il suffit pour cela de lister les évités… de ce groupe).

Conservatisme et déploration : le pessimisme porté par le pouvoir ?

Ainsi, il y a beaucoup de nuances à apporter à ces visions réductrices de nos politiques qui s’emparent des sujets sans les approfondir, mais surtout sans les inclure dans un projet ou une vision plus large, plus ouverte et surtout plus humaniste. La tendance actuelle des propos tenus par les un(e)s et les autres est davantage dans le conservatisme et la déploration que dans la recherche de nouvelles voies. Ca y est nous y sommes : à force d’être négativement critiques on en devient systématiquement négatifs… mais en sous main, on laisse se développer des modes de vie dictés par d’autres impératifs non pas politiques, mais d’abord économiques et marchands. Or ces modes de vie sont surtout basés sur des mécanismes d’adhésion suscités par le sentiment de facilitation continue de notre vie quotidienne. Les faiblesses humaines sont ainsi exploitées par les « concepteurs ». C’est l’origine du succès incroyable des smartphones !

 

Les « z’écrans » sont de bons exutoires des incapacités politiques.

  • Le premier problème, c’est d’abord ce qu’il y a dans les z’écrans, ou, pour le dire autrement, en lien avec la méta-analyse citée plus haut, les contextes et les situations d’usage.
  • Le deuxième problème est que cela traduit un véritable problème culturel et comportemental : pourquoi sommes nous devenus si dépendants de ces techniques ?
  • Le troisième problème est celui de l’évolution de nos sociétés dans leur soutien aux moyens numériques : qui en sont les origines, les causes, les responsables ?
  • Enfin il faut s’interroger sur la récurrence de la thématique : pourquoi revient-elle à chaque évolution technique, comme cela est en train de se développer autour de l’Intelligence dite artificielle ?

La formation initiale ne peut suffire

L’école et plus largement les systèmes des formations initiales sont souvent vus comme le moyen d’inculquer des pratiques et des valeurs qui devraient, ensuite, être celle de tout citoyen. Cette approche de l’initiation et de la formation initiale repose sur l’idée que s’il y a une action initiale, elle aura un effet tout au long de la vie. Malheureusement pour les adorateurs de cette idée (c’est à l’école que cela doit s’apprendre et récemment, le projet de renforcement de l’Éducation Morale et Civique l’illustre), il n’en est rien, ou très peu. La capacité d’oubli ou de déni est beaucoup plus importante qu’on ne le pense. Le passage de l’information à la connaissance puis de la connaissance à la culture, ce que l’on nomme parfois l’appropriation ou l’acculturation ne peuvent se faire s’il n’y a pas une continuité. Continuité des informations, mais aussi continuité des comportements, des attitudes, des « manières de faire », des situation vécues. De plus, le décalage entre les notions proposées par l’école et la vie en société continue de se creuser. Faire étudier les grands textes fondateurs de la république ou chanter la marseillaise ne fait pas des citoyens… mais de simple « applicateurs » avant qu’ils n’oublient cela. Or le problème est bien qu’il ne suffit pas d’arroser l’école pour mouiller la société.

Quand va-t-on enfin se préoccuper du « Faire Société » ?

L’enjeu autour des z’écrans est principalement celui du « Faire Société » dans un contexte numérique. Pour que ce « faire société » prenne du sens, il faut sortir des injonctions paradoxes telles que les politiques les ont présentés à propos du numérique, de Jean Castex à Pap N’Diaye dans leurs discours respectifs de Poitiers. Il faudrait développer le numérique dans notre société, mais il faudrait le limiter dans nos écoles sauf pour fournir des bras à l’industrie du secteur. C’est dans cette logique que l’on parle des z’écrans comme on parle de la parentalité. D’ailleurs, les deux sujets sont liés : ils ne savent pas éduquer, alors ils laissent leurs enfants devenir des proies de l’industrie du numérique… C’est alors qu’intervient le sésame politique : contrôler et interdire, comme JM Blanquer le fit en 2018 à propos du téléphone portable… et comme certains textes de lois récents le confirment (2022 et autres). Les discours tenus actuellement sur la parentalité sont davantage sur le registre de la contrainte que sur celle de l’accompagnement, comme à l’opposé, par exemple ce qui se passe en Suisse : https://www.rts.ch/play/tv/temps-present/video/au-secours-des-parents-depasses?urn=urn:rts:video:14394545  et qui est aussi menacé…

Comme un refrain ou plutôt une ritournelle…

Après le cinéma, la télévision, l’informatique, et désormais le numérique avec ses déclinaisons et ses avatars, les polémiques ne cessent de revenir au premier plan. Nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’évoquer ces questions et à chaque fois on retrouve les mêmes propos, les mêmes remarques, mais pas vraiment de proposition. Essayons de situer cela dans un contexte plus large, anthropologique. Les outils de l’humain sont le témoignage d’une tendance permanente à tenter de dominer le monde qui est le sien (et dont il n’est pas séparé autrement que par sa tentative constante de domination sur son environnement). Cette tendance fait toujours peur et génère des tensions au sein des groupes humains. Cependant, les logiques qui ont été déployées par certains groupes de la population tendent à assurer une domination aussi entre humains. L’enjeu autour des écrans, et de l’éducation qui doit y être associé, est justement de lutter contre cette domination insidieuse que l’on cache derrière la technique et qui n’est qu’une dérive humaine. L’appel présidentiel autour des écrans nous inquiète. Il n’ouvre aucune perspective et surtout cache un double langage dont on ressent bien qu’il rappelle que même les responsables se sentent dépassés par ce qu’ils promeuvent et ne voient pas comment améliorer les choses autrement qu’en désignant des boucs émissaires.

A suivre et à débattre

BD

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