Vu à la télé, lu sur Internet

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Un peu d’ironie et d’impertinence ne peut jamais faire de mal dans ce monde de plus en plus sauvage. Les jours derniers en déjeunant avec des enseignants au cours de formation dans différents lieux, j’ai souvent entendu des références à la télévision comme étayage de propos sur leurs contenus disciplinaires. Dans le même temps, j’entendais de sérieuses critiques, des mêmes enseignants qui, venant de réserver leurs vacances pas cher sur Internet, évoquaient l’incapacité des élèves à trier l’information à laquelle ils accèdent en ligne.
Au cours de l’année passée, j’ai mené une enquête en ligne sur la manière dont les enseignants accédaient à l’information, de manière personnelle ou professionnelle. Si Internet est désormais passé devant la radio comme vecteur numéro 1 d’information, la télévision reste très présente dans les occupations quotidiennes des enseignants. Le nombre de livres déclarés comme lus reste important pour un peu moins de 50% d’entre eux (dans la moyenne des grands lecteurs selon les enquêtes du centre national de la lecture). Or ces déclarations qui sont sujettes à interrogation méritent d’être interrogées par les observations quotidiennes surtout en matière de lecture professionnelle. En effet il semble que la lecture loisir soit toujours importante, mais que la lecture professionnelle soit très faible, confirmant les enquêtes de l’INRP dans les années 80.
Ces remarques liminaires visent à interroger plus globalement la culture des adultes et la façon que chacun de nous à de se former tout au long de la vie. La puissance émotive de l’image qu’elle soit sur Internet et surtout à la télévision reste très forte et les enseignants sont très peu critiques, quoiqu’ils en disent, vis à vis de celles-ci. Quand on parle d’éducation aux médias ou de semaine de la presse, on parle souvent d’éducation au sens critique. Fort louable intention mais qui se trouve interrogée par l’écoute des discussions de tables, de salles des profs, ou des machines à café… Il semble que nous soyons tous un peu schizophrènes dans ce domaine. Il est toujours difficile d’admettre notre difficulté à mettre à distance les images de la télé par exemple. Drapés dans notre statut d’adulte enseignant nous refusons souvent d’être mis en cause sur ce point : nous serions autant éponge que nos élèves et leurs parents ? Force est de constater que si les enseignants sont une partie de la population qui lit le plus, c’est aussi une population qui est aussi fragile que les autres face à la publicité, face à l’audiovisuel. Heureusement le cinéma est venu sauver la partie en donnant une réputation culturelle et artistique à cette pratique qui a longtemps été fustigée jusque dans les salles des profs…
Avec Internet, les choses changent. Parce qu’il est, surtout dans le monde enseignant, une pratique « intime » Internet reste parlé, comme la télévision en deux parties : ce que je vois et que je dis, ce que je fais et que je ne dis pas. Autrement dit on observe avec la télévision un phénomène d’adhésion (de même qu’à la radio) aux contenus alors qu’on observe un phénomène de défiance par rapport à Internet (la dernière inquiétude est le plagiat dont certains techniciens se servent pour justifier une part de leurs actions). Dans les deux cas ces attitudes sont complétées par l’attitude inverse dans la pratique : j’évoque la télévision comme source, mais je la critique; je critique internet mais je l’utilise comme source.
Ce qui est beaucoup plus à questionner, c’est la notion de « sens critique ». Les bases du sens critique sont la connaissance du processus d’élaboration (technique et humain) des informations d’une part, d’autre part les connaissances (préalables ou non) nécessaires pour évaluer les informations, et enfin les procédures adaptées (démarche scientifique, méthodes…) pour mener une analyse critique. A entendre de nombreux échanges dans les établissements, on peut s’interroger sur la capacité de chacun de nous à faire face à cela compte tenu des médias actuels (mais aussi des plus traditionnels comme la télévision). La question est désormais renouvelée parce que si l’école à pu longtemps laisser la télévision en dehors de ses murs, il n’en est pas de même avec Internet. Avec les livres les choses étaient différentes : l’écrit coute cher (cf. le pris des photocopies dans les établissements scolaires), le livre encore davantage. Dans la classe le livre (ou l’écrit) qui entre est le livre prescrit, donc il y a peu de risque de dérangement critique. Avec Internet et les terminaux portables connectés à Internet au sein de l’école, c’est le loup dans la bergerie, le renard dans le poulailler, le rat dans la poubelle !!!!
Il est urgent de repenser, dans la formation continue des enseignants une éducation à l’information et à la communication digne de ce nom. Il serait souhaitable que les enseignants documentalistes, pour peu qu’ils en aient les réelles compétences, aient en charge l’organisation de ces formations au sein de l’établissement. Car ils observent trop souvent les pratiques erratiques de leurs collègues enseignants alors qu’ils tentent dans les CDI de le faire comprendre aux élèves. Mais le chemin est encore long. On touche à l’intimité professionnelle, celle qui fait que lorsque je fais mon métier, je me demande toujours si j’ai vraiment les outils nécessaires pour le faire, et si je ne devrais pas réviser mes façons personnelles de travailler… L’appropriation des TIC est probablement à ce prix
A débattre
BD

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