Le mot encyclopédie est défini comme « l’ensemble de toutes les connaissances» et à partir de l’œuvre de Diderot et d’Alembert (1750) devient « l’ouvrage où on traite de toutes les connaissances humaines dans un ordre alphabétique ou méthodique » et s’apparente à un dictionnaire. Dans l’article « encyclopédie» de son Encyclopédie, Diderot donne la définition suivante : «enchaînement des connaissances». Le but de l’Encyclopédie étant de fournir au lecteur un accès à l’ensemble des connaissances humaines, tout en lui faisant sentir les liaisons les rattachant les unes aux autres (Blanchard, Olsen, 2002). In dossier de veille VST : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DS-Veille/Dossier_Encyclo.pdf
Si d’aucuns ont longtemps fustigé l’encyclopédisme des programmes scolaires, il se trouve que nous sommes aujourd’hui devant une équation que l’école, issue du courant encyclopédiste du XXVIIIe siècle, ne sait pas résoudre La diffusion des informations dans notre société du fait des moyens numériques a rendu la frontière entre informations, connaissances et savoirs, de plus en plus difficile à repérer. Tant que les murs de l’institution scolaire et universitaire ont été suffisants pour contenir en leur sein les connaissances jugées indispensables à l’honnête homme et que celles-ci étaient en phase avec celles qui circulaient dans la société, ces lieux de savoirs ont été considérés comme légitimes et indispensable. L’arrivée d’Internet et surtout du web a changé la donne en rendant explicite ce que tout savant sait de longue date : « plus il sait, plus il mesure son ignorance ». L’écrit imprimé et diffusé, la radiodiffusion, la télévision avaient donné un avant-goût de cette évolution. Des fenêtres s’ouvraient, mais leur contrôle était aisé. Le coût et la diffusion des écrits, de la radio ou de la télévision laissaient aux seuls groupes financiers ou à l’Etat la possibilité d’engager des flux et d’en inonder la population. L’émergence des petites imprimeries, mais surtout les systèmes de reprographie à bas coût, a donné à chacun la possibilité de « multiplier » la parole écrite. L’arrivée des radios libres à la fin des années 1970 a continué d’ouvrir la brèche mais aussi d’alimenter l’imaginaire alternatif à un pouvoir centralisé (rappelons-nous ce qu’on disait d’Alain Peyrefitte lorsqu’il était ministre de l’information du général de Gaulle par exemple).
Internet et en général le numérique laissent penser que l’on pourrait échapper à une domination, qui ne serait que la suite des précédentes. Certains disent qu’avec les quatre « cavaliers de l’apocalypse » (Apple Facebook, Google, Amazon) à la suite d’IBM, Microsoft et autres géants, on vient de retrouver nos nouveaux contrôleurs. L’affaire de la NSA semble confirmer cela, les Etats étant finalement plutôt satisfaits de ce contrôle, même indirect… Et pourtant au quotidien il y a quelque chose qui a changé. Malgré ces nouveaux contrôleurs, les possibilités d’échapper ne semblent pas avoir diminuées, au contraire même, mais pas de la même manière qu’auparavant. Mais nous ne sommes pas prêts, en particulier dans le pays de l’encyclopédisme, sorte de finitude, complétude de la connaissance. La lecture des cinq mémoires sur l’instruction publique de Condorcet publiés en 1791 nous donne des clefs de compréhension en particulier lorsqu’il parle du livre en général et du livre scolaire en particulier. Il nous montre la nécessité de « contrôler » les contenus scolaires selon les objectifs que l’on assigne à l’institution.
Au cours des années qui ont vu l’émergence des réseaux (de 1969 à aujourd’hui) l’étape marquée par la création du WWW et du HTML par Tim Berners Lee est significative de la volonté d’ouvrir ces visions d’un encyclopédisme fermé pour permettre l’émergence d’un nouveau modèle basé sur la possible contribution de chacun à la carte des savoirs. Le modèle de la scolarisation qui s’est étendu sur l’ensemble de la planète relayé par les organisations internationales (UNESCO et autres ONU ou OCDE) contient cette évolution, appuyé par les tentatives de reprise en main des états et des médias de masse. On peut d’ailleurs considéré qu’il y a peu de chances qu’à court terme cela change, malgré les Moocs et autres classes inversées qui font croire à des révolutions mais qui ne changent rien fondamentalement à cette question des savoirs, toujours aussi bien encadrés.
Si l’encyclopédisme est finalement peu remis en cause, institutionnellement, qu’est-ce que change réellement le potentiel d’ouverture offert par Internet ? C’est la possibilité ouverte à chacun de s’affranchir des cadres qui tentent de s’imposer constamment. On le voit avec la médecine, par exemple quand les patients vont se renseigner avant de consulter, mais on le voit aussi avec l’orientation professionnelle, quand on recherche via les réseaux sociaux les opportunités d’évolution, et petit à petit dans le monde des apprentissages. En effet, si l’on regarde les participants des Moocs connectivistes (G. Siemens), on voit bien apparaître ces profils qui sont à la recherche d’une progression de leur périmètre de connaissance.
Le système académique qui repose sur le bipôle transmission certification va devoir prendre en compte cet état de fait. Plus encore, ce pourrait être le fondement d’une révolution académique. Au lieu de s’appuyer sur un encyclopédisme contrôlé, le système choisirait d’aller vers une dynamique d’évolution personnelle et collective qu’il reconnaîtrait comme fondatrice de l’identité personnelle et professionnelle. Autrement dit redéfinir le terme « transmission » et repenser l’idée de « certification », les deux de manière articulée et non pas indépendamment. Les moyens sont à portée de la main, les ressources sont abondantes. Il y a malheureusement des forces antagonistes, elles ne sont pas nouvelles. Ce sont celles des pouvoirs, des hiérarchies qui, secouées par ce potentiel d’ouverture et de remise en cause, tentent par tous les moyens de maintenir le joug. Après Condorcet, dont le travail pouvait être fondé à l’époque, il y a surement de quoi faire évoluer le système qui lentement montre son incapacité à com-prendre le monde à l’ère du numérique.
A suivre et à débattre
BD
Juil 12 2014
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