Se former au numérique, à l’échelle de l’établissement, après le confinement….

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On entend souvent dire qu’il faut former au numérique. Que ce soient les enseignants, les élèves, les parents, ou autres, l’injonction de formation n’a aucun sens en soi. Les situations vécues quotidiennement ainsi que l’observation attentive de notre société sont autant d’incitations informelles à « se former ». Ainsi « former » n’a aucun sens s’il ne croise pas « se former ». Au moment où sortent les rituels catalogues de formation dont on sait qu’une partie des propositions seront annulées ou transformées, on peut s’interroger, suite à la période de confinement, si ce qui a été vécu n’est pas générateur de besoin de « se former ». Les apprentissages « sur le tas », réalisés pendant cette période, ont révélé une grande capacité à se former de la part d’enseignants qui ont mis en place une démarche personnelle d’autodidaxie. Pour le dire autrement, non seulement ils ont résolu des problèmes sans être a priori formé, mais surtout ils ont su guider, piloter, construire leur propre formation en faisant appel à différentes ressources techniques ou humaines.

Au « se former », il faut rajouter « en lien avec le contexte », c’est à dire l’établissement scolaire d’une part, mais aussi l’espace privé, le domicile d’autre part. On l’observe depuis de nombreuses années, le transfert des compétences d’usage développées dans l’espace personnel est assez peu important dans l’espace professionnel des enseignants. Cette première observation incite donc à analyser chacune des parties et à étudier justement ce passage de l’un à l’autre. Or il se trouve que l’expérience vécue au cours de la période de confinement a amené à un renouvellement du lien activité professionnelle et vie privée. Dans la situation habituelle d’enseignement en présentiel, le besoin de transfert est limité. En effet les injonctions à introduire des pratiques numériques dans l’espace professionnelles sont relativement limitées, même si elles ont évolué. En effet on est passé du logiciel de note et de vie scolaire aux logiciels de cahier de texte numérique puis aux ENT (ces distinctions mériteraient un développement trop long ici) et dans certaines disciplines à des logiciels spécifiques aux enseignements disciplinaires. Cependant ni l’injonction d’usage transversal ni l’injonction d’usage pédagogique n’ont réussi à s’imposer au cours des quarante dernières années et à se généraliser. L’un des arguments principaux pour cette « résistance » est celui de la formation si souvent déplorée mais aussi dénigrée. Est-ce que la formation est mauvaise ? Est-ce que les formateurs sont mauvais ? Est-ce que le « besoin de formation » est différent de l’offre de formation aussi bien sur le fond que sur la forme ?

Le fameux « besoin de formation » se trouve régulièrement invoqué, enquêté, estimé. Exprimé parfois au travers des offres et surtout des demandes (attentes ?) de formation, on peut s’interroger sur la fiabilité des enquêtes au regard des écarts lors de la mise en œuvre (ou annulation) de ces formations. Mais ce besoin de formation est-il aussi toujours un besoin de se former ? A en juger par le nombre de formations proposées depuis quarante années et par leurs effets sur les pratiques pédagogiques en particulier on peut répondre en grande partie par la négative. Suffit-il alors d’avoir « besoin de se former » pour que la formation soit efficace ? Là non plus le résultat n’est pas totalement positif. L’intention de se former peut aussi rencontrer des obstacles aussi bien intrinsèques (motivation insuffisante) qu’extrinsèque (proposition de formation inadéquate). Il faut aussi en revenir au contexte pour mieux comprendre. Dans ce contexte il y a l’établissement, les moyens matériels, les moyens humains en accompagnement, mais il y a aussi le temps et le moment. Depuis de nombreuses années se réfléchit la notion de formation juste à temps. Il semble bien que dans de nombreuses situations de besoin de formation, la réponse soit celle du court terme, de l’immédiat. Avec le risque de l’oubli, surtout si la formation résout simplement un problème ponctuel ou conjoncturel. Dans le cas du numérique c’est la difficulté récurrente. Combien de situations justifieraient une formation brève mais dont la mise en œuvre ne se ferait que rarement et donc dont l’oubli, l’enfouissement en mémoire, serait important. Mais aussi combien le « besoin de formation » est exprimé de manière constante, sans toutefois parvenir à être suffisamment précis garantir l’adéquation entre la formation et le besoin réel. Et cela sans parler des modalités concrètes de la formation qui peuvent être multiples et aux effets très différents.

Si le « se former », l’autoformation, la co-formation figurent au premier rang des modalités déclarées comme effectives par les enseignants, c’est probablement parce que le « besoin de formation » est fortement « situé » et que la réponse à ce besoin doit être aussi situé. Bien sûr c’est la proximité (sous toutes ses formes) qui l’emporte en termes d’efficacité à court terme et parfois à moyen terme. Cette proximité est aussi bien à comprendre comme dans le temps que dans les contenus, dans le cadre de réalisation et dans les modalités :
– Une formation est préférable quand elle croise le ressenti du besoin au moment où celui-ci s’exprimer.
– Une formation doit aborder des contenus négociés avec les personnes qui se forment
– Le lieu, l’espace et les moyens de formation doivent être proche du contexte de mise en œuvre, de transfert
– La conception de la formation doit se baser d’une part sur ce que maîtrisent les participants, mais aussi de conduire en respectant d’une part leurs modalités d’apprentissage, et d’autre part la complexité des apprentissages visés (certains demandent de l’entraînement, d’autres de l’exploration, d’autres de la confrontation).

Ainsi on peut penser que la formation c’est d’abord le processus d’un sujet en évolution dans un milieu lui-même en évolution. L’alignement entre ces deux pôles est nécessaire et demande donc une très forte adaptation des offres ou des dispositifs proposés. Sans une très forte flexibilité basée sur ces deux pôles, il est probable que le taux de rétention et d’appropriation des contenus de formation risque d’être très inférieur aux espérances de ceux qui les proposent. Le numérique a ceci de particulier qu’il articule des pratiques sociales et personnelles avec des pratiques professionnelles et partagées. La conscience que chacun a de ses besoins en formation est alors bien plus complexe que lorsqu’il s’agit d’un seul changement de contexte (comme l’arrivée d’un nouvel équipement technique). Il faut en finir avec les grandes démonstrations, en stage ou en journées de toutes sortes pour passer à un véritable accompagnement formatif tout au long de la vie. Cela suppose non seulement une transformation de la formation elle-même mais aussi et surtout une trans-formation dans la conception que chacun a de sa formation basée sur un travail réflexif sur les manières de « se former » au quotidien.

A suivre et à débattre
BD

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